Réflexion
La Sainte-Cécile... Pourquoi pas ?

Si la Sainte-Cécile était une partition...

Décoration de Mme Monique Moritz

Elle porterait un titre que chacune et chacun pourrait modifier à son gré en tout temps, toujours en pleine harmonie avec tous, en termessurannés qui évoquent des vertus anciennes, en formulations religieuses ou en mots simples qui ennoblissent le plus banal des quotidiens : "Corvée", "Charge", "Service", "Responsabilité", "Louange", "Message", "Réconfort", "Rencontre", "Amitié", "Partage", "Disponibilité", "Fidélité", "Constance", "Ouverture",  "Ambiance", "Fous-rires", "Adaptation", "Animation"...

Son papier serait un fin mélange de parchemin satiné et parfumé, témoignage de son âge vénérable et de ses racines monacales, et de papier blanc pour imprimante encore illuminé de plages immaculées, signe de recherche, d'évolution et de progrès constants.

On trouverait en en-tête de chaque portée les clés de sol ou de fa, mais surtout les clés de l'amitié, de la joie de chanter et d'être actrice et acteur d'une louange, les clés d'entrée dans la participer à une création permanente et celles qui offrent le passage permettant de se retrouver soi-même parmi d'autres...

Ses notes en seraient longues et douces, brèves ou marquées, ponctuées d'accents et d'élans propres à créer tous les sentiments agréables à l'oreille et ceux qui savent parler au cœur.

Ses textes, parfois encore dans le latin des origines ou dans le patois des racines ancestrales, le plus souvent en français, simples ou denses, faciles ou lourds de sens, seraient toujours chantés avec conviction, ferveur et allégresse. Avec aussi un enthousiasme constant, tant dans les fêtes éclatantes que dans les séquences les plus simples et les plus humbles, afin que l'ordinaire liturgique et profane puisse se donner l'allure de l'extraordinaire.

Simples ou subtiles, amples, légères ou graves, ses harmonies seraient en mode majeur, avec quelques modulations bienvenues en mineur ou dans les tons anciens, à l'image de notre vie...

Cette partition traduirait une ambiance : contemplation, joie, plaisirs partagés des moments privilégiés. Elle serait hymne de reconnaissance, témoignage de foi et d'engagements simples et profonds.

Les silences y trouveraient naturellement leur place. Savamment disposés, ils seraient paix intérieure, respirations, contrastes et appels d'éclats bien marqués.

Son exécution en serait aisée, souple, légère et aérienne, avec juste ce qu'il faut de difficulté pour en conserver le plaisir, pour progresser encore et apprendre à franchir ensemble des obstacles. On pourrait l'exécuter avec mille variations sans jamais se lasser, toujours avec la même ferveur et la même conviction.

On y trouverait aussi des portées pour les organistes, ciselées de subtils contrepoints, compléments appréciés et soutiens dans l'interprétation, majestueux, puissants, doux, méditatifs ou majestueux dans les interventions en solo.

La qualité de ses exécutants serait appréciable, leur bonne volonté inépuisable… On les souhaiterait évidemment plus nombreux en nos rangs, mais il est bien difficile de les dénicher... Qu'est-ce qui peut bien les retenir et modérer les élans qui pourraient les pousser à nous rejoindre ?

  • "La Sainte-Cécile est une société de vieux…" Non point.
  • "Ce sont des spécialistes du chant…" Mais non, mais non !
  • "Il faut se lever tous les dimanches pour aller chanter à l'église…" Pas du tout.
  • "On y chante uniquement de la musique religieuse…" Que nenni. 
  • "L'ambiance ne doit pas y être terrible…"  Bien au contraire...


La Sainte-Cécile se veut un groupe qui, en premier lieu, cultive l'amitié. Toute occasion devient prétexte à partager le verre ou le plat qui renforcent les liens entre ses membres.

Mais revenons à notre partition...

Ses auditeurs pourraient en être aussi, au moment voulu, les exécutants. Ils seraient transportés et enthousiastes. 

Au recto prendrait place une musique religieuse, toute à la gloire de Dieu; au verso y seraient transcrites de joyeuses mélodies profanes de toutes les époques, qui traduisent, communiquent et partagent notre joie.

De-ci, de-là, la plume aurait pu vaciller un brin, car rien n'est jamais parfait, et quelques éclaboussures, par ailleurs faciles à effacer, entacheraient sa surface. La gomme particulièrement adaptée en la circonstance serait une préparation accrue, une participation plus soutenue, une meilleure communication, une compréhension sereine et mutuelle. On y trouverait également quelques annotations et remarques : tenir le ton, soigner l'articulation du texte, chanter avec souplesse en respectant le phrasé, ou simplement traduire au mieux les sentiments du compositeur...

Au bas du feuillet, en caractères gras, apparaîtraient quelques lignes de mercis :

  • La première au Seigneur, qui offre le privilège aux membres de la Sainte-Cécile de se rencontrer pour le servir et le louer dans la simplicité et la bonne humeur, sans grandiloquence, sans emphases ou attitudes exacerbées.

  • La seconde à nos partenaires et collaborateurs réguliers ou occasionnels de la Paroisse.

  • La troisième à toutes les personnes, qui, par leur présence à nos manifestations et par leur soutien, témoignent de leur attachement à la musique chantée et encouragent les membres de la société à poursuivre leur travail inlassable dans la recherche du beau.

  • La dernière enfin à tous les membres de la Société, les soprani, les alti, les ténors, les basses, les instrumentistes et ceux aussi qui n'ont plus la chance de partager nos retrouvailles régulières mais nous restent unis dans le souvenir. 


Comme la huitième symphonie de Schubert, cette partition, dont chacune et chacun d'entre nous pourrait en être à la fois l'auteur et l'interprète, serait inachevée, afin de rester ouverte à l'avenir, à ses soucis, ses projets et ses réalisations. 

Et si vous-même, lectrice et lecteur de cette composition, veniez nous aider à en poursuivre l'écriture, l'exécution, et à y apposer votre propre titre ? Peut-être votre engagement mettrait-il quelques couleurs en votre vie; peut-être nous permettrait-il de rester plus nombreux sur les traces des chantres de la collégiale et de continuer d'y développer l'art choral sous ses voûtes impavides ? 
Musique aidant, votre présence donnerait-elle plus de sens au silence des espaces infinis...

La Sainte-Cécile, après tout, pourquoi pas?

Pierre Migy