Saint-Ursanne et ses rues

L'ouvrage

"Saint-Ursanne et ses rues" a été écrit par Léon Migy.
Publication en automne 1977. 
L'ouvrage est publié ici intégralement. Seules les photos et les plans ont été replacés dans les rubriques correspondantes. 

INTRODUCTION

Tout ce qui contribue à faire le charme d'une ancienne cité réside en ses beautés naturelles, prodiguées plus ou moins généreusement par la nature, en ses gracieux édifices, aux nobles matériaux. En ses places publiques, ses allées ombragées, ses fontaines monumentales.
 
Saint-Ursanne possède incontestablement toutes ces richesses.
 
Ce qui rend également attrayante notre cité des bords du Doubs, c'est aussi les noms de ses rues. Noms évocateurs d'anciennes familles bourgeoises, place du Mai où les fougueux révolutionnaires plantèrent l'arbre de la "liberté". Ces dénominations ne manquent ni d'élévation et encore moins de sentiment. Nos aïeux ont respecté l'histoire, voire l'archéologie. Ne démolissons pas ce que les siècles ont construit, continuons cette tradition pour le plus grand bien des générations futures et de la postérité.
 
En sa séance du 15 mai 1975, le Conseil communal de Saint-Ursanne forme une commission à laquelle on assigne la tâche de revoir la dénomination de toutes nos rues. Les citoyens ci-après sont désignés : Messieurs Germain Etique, conseiller communal, président de la commission; Emile Lachat, conseiller communal; Joseph Thiévent, secrétaire-caissier communal ; Léon Pélégry, garde-police de Saint-Ursanne ; Léon Migy-Studer, officier de l'état civil de l'arrondissement de Saint-Ursanne. Tous se vouant à la chose publique de notre bonne ville.
 
Réunie le 24 juin 1975, cette commission fait sienne ces trois termes : conserver, corriger, innover.
 
Tout en partant du bon sens et de la logique, en maintenant ces noms de rues qui chantent clair aux oreilles des ursiniens et des passants, d'autres corrections et innovations ont été apportées. Et le Conseil communal, en sa séance du 8 juillet 1975, acceptait et ratifiait les propositions de la commission.
 
Cet écrit renseigne sur les noms des anciennes rues et le pourquoi du changement et des nouvelles appellations. Il est clair qu'ici, nous ne pouvons développer chaque sujet. Mais nous partons du principe que ce qui est succinct renseigne parfois le public d'une manière beaucoup plus directe.
 
En 1950, la Société d'embellissement, sous la présidence de M. Fritz Müller et son comité formé de MM. Marc Comment, Jean Brunod, Léon Migy et Joseph Migy, maire, faisait apposer des plaques indicatrices à la plupart de nos rues. En automne 1977, le tout a été complété par les soins de l'Autorité communale.
 
Notre reconnaissance s'en va a notre ami, M. André Rais, à Delémont, que nous remercions sincèrement pour ses renseignements et ses précieux conseils.
 
Puisse ce modeste ouvrage passer aux générations futures.

Je te salue, ô mon pays

Je te salue ô mon Pays
Parcelle de paradis jetée par le
Tout-Puissant entre Ajoie et Clos-du-Doubs
 
Pays aux bleus coteaux aux
Maisons d'un autre âge
Façades fleuries que le soleil surprend
Endormies encore
 
Pays qui m a vu naître et
Doucement m'endormira
Pays d'eau, de bois et de pierre
 
Doubs, ruban d'opale, saphir et
Turquoise au fond de la vallée
Dispensateur de richesses d'âpres beautés
Comme un amant de la fière cité
Tu chantes et rechantes à ses pieds
Brise du soir berçant tes saules
Tes peupliers, seule la lune en est
Jalouse et joue sur tes roseaux
En tes eaux vives, limpides et claires
Se reflète ma jeunesse.
 
Mon âme chante en tes bois
Bois de pins, bouleaux, feuillus
Hautes futaies enflées par le vent
De vos entrailles monte un chant
Comme une chanson du bon vieux temps
 

Ru de Rière-le-Château couronné de
Mille perce-neige au printemps
Source de saint Ursanne ou
L'irlandais à genoux but ton
Breuvage à pleines mains
 
Eau du Malrang ruisseau des
Combes Chavats dont seule la
Hache du bûcheron trouble le murmure.
 
Collégiale, pierres burinées par le vent
Concrétisant l'inébranlable foi de nos aïeux
Les moines d'Occident à genoux vous ont taillées
Pluie et soleil sont vos compagnons
Odeur de myrrhe, senteur d'encens
Jamais ne périra ton royaume
 
Népomucène, au regard protecteur
Bénissant le passant, au
Manteau de pierre aux doux entrelacs,
Souris et veilles à tout jamais sur
Mon pays d'or gonflé de souvenirs
 
Château princier, citadelle de notre terre
Tes ruines saluent les nuages d'argent
Courant vers la doulce France
Elles murmurent leur peine, elles
Crient leur détresse au monde cruel.
 
J e te salue ô mon pays
Sur toi descend la robe de la nuit
J e te vois et te revois au travers de mes rêves
Tu es immortel mon cher pays...


SOMMAIRE

Place du Mai

Sur les anciens plans cadastraux de 1833 et 1905, elle n'est citée que "La Place". Mais dès 1792, la population l'appelle la Place du Mai.
 
Afin de symboliser les événements révolutionnaires de 1789, on plantait dans presque toutes les localités un arbre de la  "liberté" appelé également : mai.
 
Cet arbre enrubanné était surmonté du bonnet phrygien qui fut adopté en France sous la première République comme insigne de la liberté. A sa base une estrade décorée aux couleurs de la Nation avec ces mots : "Vivre libre ou mourir".
 
En 1792, les troupes révolutionnaires "gratifièrent" notre ville d'un arbre de la "liberté".
 
On le planta au coin de la maison de ville, sur la place dite de la "Pierre aux poissons". (Cette pierre a été brisée en 1925, lors du pavage de la ville.)
 
A cette même époque, on démolit la potence de 1775 qui se trouvait au premier tournant sur la route de la Croix. Par la suite, on a érigé pieusement, sur ce lieu de torture, une croix qui subsiste encore de nos jours (elle provient des forges d'Undervelier). Posée en bordure de la route, à droite en montant, elle a été déplacée au début de l'année 1977 afin de donner une plus grande visibilité à ce tournant.
 
Le dimanche 6 avril 1794, Saint-Ursanne est en "fête", ou du moins les révolutionnaires et leurs adeptes. On enlève le mai de 1792 et on plante un nouvel arbre avec ses racines. Ceci sous les yeux de la municipalité "décorée de ses écharpes" et des notables. Parade militaire, musique, discours du citoyen maire Pelletier, hymnes à la liberté chantés par six citoyennes, "tout y était, mais pas tous". En effet, la majorité de la population supportait mal ces temps de haine, d'injustice, d'irréligion, de vols et de crimes.
 
En 1795, Marie-Anne Altermatt est accusée d'avoir couvert d'ordures l'arbre de la liberté. On menace de l'enfermer en la prison bourgeoise, derrière l'Hôtel de ville, on invite au son du tambour la population à dénoncer les délinquants. Mais le ou les coupables ne furent jamais découverts.
 
Afin d'embellir notre place, le magistrat fait construire en 1854, la fontaine dite "du Mai". Un bassin plus modeste s'y trouvait déjà et le trop-plein de l'eau s'écoulait à ciel ouvert jusqu'au Doubs, dans un caniveau descendant "en bas le Mai". Cette rigole existait encore en 1813, comme on en voit encore une semblable à La Neuveville. Le sculpteur Chavanne reçoit 1685 francs pour son travail, y compris la statue de saint Ursanne ornant le fût. Le tout est posé pour la Toussaint 1854.
 
Révolution ! triste souvenir pour notre pays; mais un nom plein d'histoire que celui de notre place du Mai.

Rue de la Tour

De toutes les tours qui contribuent à donner son charme et sa beauté à Saint-Ursanne, celle de la Collégiale est la plus massive et la plus haute.
 
Reconstruite au XVe siècle, elle a été prédestinée à donner son nom a la rue de la Tour.
 
Si un jour, vous êtes en mal de randonnées, d'excursions, "filez" vers Saint-Hippolyte, notre ville sœur. De là, remontez la paisible vallée du Dessoubre, bifurquez à droite et vous serez bientôt aux Deux-Sancey. Dans le voisinage, à quelque cinq ou six kilomètres, se trouvent Vy-les-Belvoir et Randevillers. Le premier de ces villages franc-comtois est à proximité du merveilleux château de Belvoir et, à peu de distance de l'autre, Vellevans et Ouvans. Ces deux dernières agglomérations ont été immortalisées par le conteur régionaliste Louis Pergaud dans sa "Guerre des Boutons" ; villages qu'il nomme Velrans et Longeverne.
 
Pourquoi, diable!, me direz-vous, passer par la Franche-Comté pour décrire la rue de la Tour? La raison en est fort simple. Les noms de Vy-les-Belvoir et Randevillers sont gravés sur la tour de notre Collégiale. Eh oui, combien de fois en avez-vous franchi le seuil, sans le savoir ?
 
Descendant de l'illustre famille des Asuel, Jean d'Asuel, XXIIe prévôt de Saint-Ursanne, venait à peine d'être élu à la tête du Chapitre que la tour s'effondrait en 1441, entraînant dans sa chute une partie des voûtes de la Collégiale. Il fallut dix-huit ans d'efforts incessants pour sa reconstruction, et ce n'est qu'en 1466 qu'elle fut couronnée de son pignon.
 
Trois maçons dignes des grands constructeurs s'occupèrent de cette tâche, ainsi nous l'apprend l'inscription figurant sur leur œuvre en lettres gothiques. "Cette tour a été construite par les maçons Willemin de Vy près Belvoir et son fils Jean demeurant à Randevillers, diocèse de Besançon, et Jean Huguenin de Saint-Ursanne". Ainsi que les grands bâtisseurs, ils ont laissé leur signe maçonnique; une rosace à huit rayons ainsi qu'un marteau.
 
Une autre particularité de notre tour, l'armoirie en grès des Vosges du prince-évêque Frédéric de Rhein et en dessous une inscription que très peu d'historiens ont citée : "Le révérendissime seigneur Frédéric, évêque de Bâle en l'an du Seigneur 1442".
 
Les nobles seigneurs de Saint-Ursanne jetaient en 1442 les fondements d'une nouvelle tour, tout en immortalisant leurs noms et consacrant le souvenir de la reconstruction, en faisant graver ces mots dans la bonne pierre de chez nous : "L'an du Seigneur 1441, le 13 mai, cette tour est tombée et de nouveaux fondements ont été jetés le 11 avril 1442 par les honorables Seigneurs Jean d'Asuel, prévôt ; Jean de Fleckenstein, trésorier ; Heintzmann d'Altdorf (Bassecourt) ; Jean Warmoy; Jean Pret; Sp. Biedermann ; Jean Molitor (en allemand Johan Müller, en français Jean Monnier) ; Louis Vinck; Etienne d'Orbath; Philippe; Jean de Herbis; Rodolphe de Bois (Buix), chanoines de cette église."
 
Notre maison curiale tient une large place en cette rue. Elle a été reconstruite en 1521 par le prévôt Hartmann de Hallwil. Sur le linteau de la porte de la maison, à l'angle de la rue du 23-Juin, une inscription assez intéressante et qui mérite d'être citée:
 
"Le vénérable et fameux PAVIGNOT, qui se prénomme Théobald, payant 1088 (sous-entendu livres bâloises), a donné les fondations que l'on voit à nouveau érigées, à cette maison usée par la longueur des temps." (Chanoine et notaire de 1582 à 1614.)
 
Au fond de la rue, l'imposant bâtiment du Foyer pour personnes âgées du district de Porrentruy. La reconstruction du corps principal de cet immeuble s'est terminée en fin d'année 1975. En ce début 1978, les derniers travaux battent leur plein par la reconstruction de l'aile sud-ouest.
 
Ce si noble témoin de notre patrimoine qu'est la tour de notre collégiale, méritait amplement de porter le nom d'une rue. 


Rue du Quartier

En 1833, son nom figure déjà sur le plan cadastral.
 
Au XIIe siècle, la ville primitive était structurée et la Collégiale en était le centre. Enserrée dans une enceinte semi-circulaire, elle s'appuyait sur le flanc de la montagne et atteignait le Doubs près du pont. Ses fortifications ont complètement disparu, mais le tracé des rues, la disposition des maisons permet d'en reconstituer le plan. Au XIIIe siècle, la ville fut entourée de remparts qui lui donnèrent sa physionomie actuelle. Entre ces nouveaux murs de protection et les fortifications primitives, on construisit à l'ouest quelques maisons "hors les murs" qui furent englobées dans la nouvelle enceinte et donnèrent leur nom à la rue du Quartier.
 
D'anciennes et très belles maisons bourgeoises lui confèrent son cachet particulier. Celle entre autres de la célèbre famille de Billieux, dont certains de ses membres jouèrent un rôle considérable à Saint-Ursanne et dans l'ancien Evêché de Bâle.
 
Elle fut acquise par le Chapitre en 1777 pour le prix de 5000 livres. Le chanoine Beuret y résidait en 1792 à la Révolution. Elle servit de corps de gendarmerie durant la période française et ceci jusqu'en 1815. En 1816, l'Etat de Berne l'a cédée à la ville qui la convertit en maison d'école. Dans sa petite cour d'entrée, un bassin de fontaine aux initiales de François-Bernard Billieux, 1667, secrétaire, puis maître bourgeois et maire. Aujourd'hui, une de ses caves sert de "caveau" pour nos expositions.
 
La trésorerie du Chapitre ou la maison de la recette (ancien magasin Coop) dont une aile a été construite en 1565 et l'autre en 1639, forme le noyau de cette rue. Vendue comme bien national en 1795, elle fut acquise par Bernard Jeannerat. En 1813, le plan cadastral nous montre un jardin reliant l'arrière de cette bâtisse à l'ancienne maison Marchand (aujourd'hui Thécla S.A.).
 
La demeure cossue, datée de 1777 (maison Thécla S.A. ayant appartenu au Dr Varé, puis à la famille Hantz) est celle où est né Xavier Migy qui y habitait avec ses seize enfants. Son père était conseiller aulique et directeur des forges de Son Altesse (Bellefontaine et Undervelier). Avocat, il devint sous-préfet de Porrentruy. Deux de ses enfants se firent prêtres et son fils Paul fut un brillant homme politique. Xavier Migy fut enterré au cloître.
 
C'est en cette rue qu'habitait François-Ignace Marchand, ancien soldat de l'Empire. Il mourut en sa maison le 18 février 1882 (maison Stouder, anciennement Brunod puis Moll).
 
La très belle maison Beuchat a un charme et un aspect tout particulier. Elle a été reconstruite en 1612 par le maître bourgeois Henri Billieux. Au début du XIXe siècle, elle devint la demeure de Joseph-Etienne Berberat. Celui-ci a été durant 44 ans l'instituteur de la classe supérieure de Saint-Ursanne. Mélomane émérite, il fut le brillant et distingué organiste de la Collégiale jusqu'à sa mort survenue en sa maison le 2 janvier 1883. Saint-Ursanne lui doit la fondation de sa fanfare. Il l'a mise sur pied en 1838 en compagnie de Jean-Baptiste Piqueré, également instituteur, de Joseph Bouvier et de Nicolas Maitre, conseiller et aubergiste au Cheval-Blanc. Sur le seuil en pierre de la maison Canale-Juillerat, des initiales taillées en relief: IBM 1724. C'était la demeure de Jean-Baptiste Migy, maître bourgeois. Celui-ci fut également secrétaire communal durant de nombreuses années. C'est la maison natale de Pierre Bouvier, ancien maire. En 1886 elle devint propriété du charbonnier Pierre Joray et en 1892 de François Marchand.
 
Rue du Quartier... une des plus anciennes de notre ville.

La Ruelle

Ruelle, en notre belle langue française, signifie rue étroite. Paradoxalement, La Ruelle est une de nos rues les plus larges !
 
Sa dénomination est déjà citée sur le plan de 1833. Pourquoi la Ruelle? L'explication en est fort simple. Sur un plan de Saint-Ursanne, relevé par "l'arpenteur Noirjean de Saint-Brais" en 1813, la rangée de maisons à gauche en venant de la rue du 23-Juin y figure. Mais à droite, ce n'était que des jardins, sauf les bâtiments Valli, au fond, et Donzé, en haut, qui étaient déjà construits. Or, ces jardins, avant que ces deux immeubles ne soient érigés, empiétaient sur une bonne partie de cette rue qui ne mesurait que 4 à 5 mètres environ. Une rigole pour l'eau passait en son milieu.
 
Dans la nuit du 7 au 8 mai 1848 (premier dimanche de mai), un incendie qui prit des proportions considérables dévora quasiment toutes les maisons de la Ruelle. Depuis le "couennat" les flammes ne s'arrêtèrent qu'à l'immeuble de Thécla S.A. (anciennement Bouele).
 
"Depuis douze jours, une violente bise n'avait cessé de souffler et se manifestait encore lors du sinistre. Pour comble de malheur, la pompe obstruée refuse ses services. Quelques âmes confiantes invoquent sainte Agathe et, nous dit le chroniqueur, tout à coup, le vent se retourne et souffle contre le Pré l'Abbé. La ville est sauvée."
 
Le magistrat accorde "jusqu'à autre disposition", des dédommagements aux sinistrés. A Marchand, fils Ignace et à la veuve Grillon, trois francs trente-trois rappes par mois ; à Jean-Baptiste Grillon, un franc soixante-six rappes également, à Louis Jeannerat pour le logement de Xavier Besançon, etc.
 
Le chef des secours, Ignace Bourquard et les pompiers reçoivent quarante-cinq francs suisses pour avoir fait la garde du 8 au 10 mai. Le 17 décembre 1848, on accorde six francs suisses à Ursanne Delfis pour dommage causé à une pièce de terre sise au Pré l'Abbé lors de l'incendie et dix francs septante rappes à Ursanne Marchand pour son jardin et mur aux Eportates, endommagés par les pompiers.
 
D'autre part, le maire Joseph Girardin est gratifié de trente-cinq francs nonante-cinq rappes, pour "dépenses faites chez lui à l'occasion des deux incendies de la Ruelle et de la Tuilerie". On avait bien arrosé ça!
 
Avec sa fontaine du XVIIIe siècle, la Ruelle a vraiment un cachet pittoresque. C'est en effet en 1716 que celle-ci fut posée. Les autorités le décident le 21 janvier 1716:
 
"Le Magistrat, en présence de Messieurs de la Seigneurie estant assemblé s'est convenu avec Jean Henry Hugonin de Saint-Ursanne, maistre masson pour faire un noz (bassin) de pierre avec un petit noz (petit bassin) y joignant la chèvre (le fût) à estre placé et posé proche de l'hospital, és condition et charges suivante, scavoir: Que ledit Hugonin creusera ledit noz aussi fond, haut et large que la pierre déjà trouvé et destiné pour cela le permettra. Et en cas icelle pierre ne sera trouver bonne et saine, icelui Hugonin sera obligé d'en fournir une autre en la place. Creusera et travaillera de mesme le petit noz avec la chèvre laquelle sera environ de huit pieds hors de terre. Toutes lesquelles pièces scavoir le noz, petit noz et chèvre il posera au lieu prédit, moyennant lui fournir aide suffisante pour les rendre audit lieu. S'estant soumit, ledit Hugonin avec ses peines d'y avoir un second ouvrier pour quelle besogne et travail achevé on lui a promit trente six livres, cinq sols et au cas que la besogne soit au gré et consentement de Messieurs du Magistrat icelui Magistrat lui a encore promit un florin de récompense."
 
Signé : Jean-Bernard Billieux, lieutenant de ville.
 
La Ruelle, miroir de nos souvenirs...

Rue de l'Hôpital

L'acte de fondation de notre "hôpital" figure en tête du "Protocole de l'hôpital" commencé en 1511 par le notaire Belorsier, chapelain.
 
Ce document nous apprend que grâce à la générosité de Jean Tutti, chanoine des chapitres de Saint-Ursanne et de Moutier, un hôpital fut fondé en notre ville le 7 juin 1511. A cette fin, il donna sa maison qui appartenait auparavant à Messire le chapelain Henri Merchan (Marchand). "Elle est située entre la muraille de la ville du côté du midi et de l'autre côté, contiguë à la maison de Jehan Vallat ; elle a une galerie sur le mur de la ville." Il accompagne cette donation d'une somme de trois cents livres, dont les intérêts serviront à couvrir les premières dettes.
 
Grâce à de nombreux legs et donations effectués au cours des siècles, cet établissement subsistera jusque vers la fin du XIXe siècle. Nombreux furent les malades, les pauvres, les pèlerins, militaires, etc., qui bénéficièrent de son hospitalité et qui y furent soignés.
 
Le maire, Jehan Maiguy et ses conseillers en furent chargés de l'administration et nommèrent Ruedin Menegolz comme premier receveur ; celui-ci bourgeois de Saint-Ursanne.
 
En 1675, Jean Brossard, inscrit aux recettes la somme de cent cinquante-cinq livres neuf sols et six deniers. De 1684 à 1688, on relève sept cent quarante-cinq livres quatre sols de recettes et sept cent quarante-sept livres dix-neuf sols et un denier aux dépenses.
 
Vers 1690, notre hôpital des bourgeois faisait lui aussi des libéralités :
"... donné à des brûlez de Delle, un sol six deniers ; à Catherine Merchant, pour son enfant qui a une jambe rompue, deux sols et six deniers ; à un estudiant qui a bonne mine ! (sic), deux sols ; à deux pèlerins des Ermites, trois sols ; à des compaignons de métier, un sol; à une fille de Chaitillon allant avec des crosses (béquilles), quatre sols ; à un pèlerin venant de Rome, un sol et six deniers ; à la sage-femme, quatre livres dix sols ; à un souldat estropié, neuf deniers", etc.
 
En 1680, deux chirurgiens donnaient leurs soins aux malades, Noël Toussaint et Frantz Bersuder. En 1759, c'était Joseph Schleguelet et son successeur, Joseph Verdat, chirurgien, est nommé gardien de l'hôpital avec quinze livres de gages annuels et la jouissance du jardin; en spécifiant qu'il devait avoir "soing des pauvres, leur donner de la souppe et les chauffer". Il y avait son appartement et en 1768 il fallut lui interdire de mettre son cheval dans une cuisine située "au bas de l'hospital, mais qu'il devait le garder en l'escurie !" L'année suivante, on l'avertit sérieusement "de ne pas transformer l'établissement en cabaret ! et de ne plus retenir chez lui, en l'hospital, certaines personnes pour boire avec eux !"
 
Dans sa séance du 5 novembre 1848, le Conseil communal loue à Dominique Boillotat ce logement de l'hôpital pour la somme mensuelle de un franc et trente rappes suisses.
 
En 1780, la maison menace ruine, on la répare quelque peu et en 1788 on la reconstruit entièrement. C'est une partie de cet immeuble qui fut achetée à la commune en 1866 par l'horloger Jean- Baptiste Grillon puis par Henri Graff. Ainsi nous l'apprennent les minutes notariées conservées aux archives du Registre foncier au château de Porrentruy :
 
"Le 15 septembre 1868, M. Henri Graff, fils de François-Xavier, journalier, et son épouse, Dame Philomène, née Besançon, ont acheté au Quartier de l'hôpital, une maison d'habitation à deux étages et le rez-de-chaussée (vieil hôpital), aux héritiers de Jean-Baptiste Grillon, en son vivant horloger à Saint-Ursanne qui en avait fait l'acquisition en adjudication publique le 7 septembre 1866".
 
M. Henri Graff, guet de nuit, a cédé cet immeuble à son fils François le 5 novembre 1912. Le 13 septembre 1886, "l'autre part de cette maison du Quartier de l'hôpital" est vendue à Jacques Nusbaumer, cordonnier, par Joseph Graff et son épouse.
 
Depuis tout enfant, on nous a appris que l'ancien hôpital était situé à l'extrémité sud de la Ruelle, vers le "couennat". Ceci est juste mais il eut été préférable de dénommer la Ruelle, rue de l'Hôpital et la Ruelle à la place de la rue de l'Hôpital.
 
Respectons la tradition et l'histoire.

Rue Verdat, rue des Bouviers, rue Vaicle

Trois dénominations de rues qui tirent leurs appellations de familles bourgeoises de Saint-Ursanne.
 
Cette antique institution de la bourgeoisie, avec ses privilèges, fut abolie par le courant révolutionnaire de 1831. Dès le 1er janvier 1832, Saint-Ursanne n'avait plus ni maître bourgeois, ni magistrat, ni député de la bourgeoisie. Depuis cette date, un maire, avec son conseil, un secrétaire et receveur représentent l'autorité civile, qui gère la bourgeoisie.
 
Dès 1815, c'est le rétablissement des bourgeoisies, abolies en 1792, et l'ordonnance gouvernementale du 9 septembre 1822, stipule la tenue d'un registre des bourgeois. Le nôtre est établi cette même année.
 
Plusieurs familles bourgeoises se sont éteintes, entre autres, les Verdat et les Vaicle. Pierre Verdat meurt à Saignelégier en 1921, sans descendant. Edouard, décédé à Berne en 1903, n'avait que quatre filles, etc. Plusieurs Vaicle et Verdat sont en France de 1793 à 1815 ; notre pays étant attribué à la Suisse depuis cette dernière date, eux sont devenus citoyens français. Plus aucun ne figure dans nos registres des familles. Seuls les Bouvier subsistent.

Les Verdat
En 1367, un Pierre Verdat était curé de Chevenez. En 1759, Joseph, chirurgien, est nommé gardien de l'hôpital avec quinze livres de gages annuels. Pierre est conseiller bourgeois en 1678. Henri en 1737. Jean-Baptiste, serrurier, s'engage comme volontaire en 1793 dans les armées révolutionnaires. Le médecin François Verdat est député de la bourgeoisie en 1830 (un des derniers).
 
Le  1er avril 1753 est baptisé à Saint-Ursanne, Claude-Joseph Verdat. Il était le fils de Jean-Henri et d'Anne-Marie née Vaicle. Il devint bourgeois de Delémont en 1785. Peintre et sculpteur, le Musée jurassien à Delémont possède deux de ses œuvres. Une crucifixion de 1772 et un Jugement dernier de 1786. Une Vierge à l'Enfant, sculpture de la fin du XVIIIe siècle, se trouve à l'église de Damvant et est signée: "Joseph Verdat, sculpteur à Saint-Ursanne, ce 7e du mois d'Aoust 1777". Quoique cette oeuvre fusse assez modeste, elle n'en est pas moins un précieux témoin du passé.
 
Le 1er juillet 1840, Joseph Verdat est autorisé à ouvrir une teinturerie à Saint-Ursanne.

Les Bouvier
Bouvier est certainement un nom de métier, car les gardiens d'animaux ont donné le plus fort pourcentage de noms de familles: Bovier (Bouvier), Vacher, Berger, Chevrier, etc.
 
Jean Bouvier demeure à Monturban en 1415. La "rue des Bouvier" prend naissance en 1428 et était alors la "grange aux Bovier". Charles, marié en 1678 avec Anne-Marie Migy, est conseiller. Le "premier de la Confrérie de Saint-Ursanne" est François, maître bourgeois, décédé en 1679. Erard (Erhart) - Thiébaud est lieutenant de ville et se marie en 1729. Il est maître bourgeois en 1735. François est domestique des écuries du château de Porrentruy et devient grand voeble (garde-police) de la Cour de Son Altesse le Prince-Evêque de Bâle, en 1695.
 
Plusieurs membres de cette famille furent prêtres, chapelains, maires et receveurs.

Les Vaicle
Une des plus anciennes familles bourgeoises, citée Wecle en 1433. Jehan Vaicle, négociant, est témoin de l'ouverture du sarcophage de saint Ursanne le 25 juin 1505. Le lieutenant Vaicle habite à la Combe-Chavat en 1715.
 
En juin 1589, fut arrêtée à Saint-Ursanne Jehannette, dite "la Besatte", femme de Jean Vaicle. On la suspectait depuis longtemps de "sorcellerie". Un premier interrogatoire a lieu le 27 juin 1589 au château de Porrentruy. Après plusieurs séances, on menaça de la torturer et elle passa "aux aveux".
 
"... je suis allée trois fois au sabbat, la première fois en une combe sous Châtillon, une autre fois sur Repais (La Caquerelle) et une troisième au Creugenat. Il y a trois ans, étant dans mon jardin devant la porte Monnat (Saint-Paul), toute triste parce que mon mari était allé boire chez sa belle, un homme tout noir, ayant les pieds semblables à ceux d'une vache vint vers moi... Il me demanda de renier Dieu, baptême et cresme, qu'il me ferait riche et que mon mari me reviendrait bientôt et qu'il n'irait plus ribaudez."
 
 En effet, celui-ci n'alla plus ribauder, mais toujours "possédez du diable", la malheureuse fut condamnée à mort et exécutée.
 
Durant sa séance du 23 juillet 1848, le Conseil communal décide le pavage de la rue Vaicle. A cette époque, le revêtement de nos chaussées s'effectuait au moyen de galets polis et aplatis que l'on extrayait du lit du Doubs. La plus grande partie des rues de la "vieille ville" était ainsi revêtue. En 1925, plusieurs de ces pavés furent enlevés, entre autres à la rue de la Tour, et ont fait place au pavage actuel.

Chemin du Château

Imaginez-vous ce que serait Saint-Ursanne si son château subsistait encore.
 
Wurstisen le dépeint d'une manière parfaite dans ses "Chroniques bâloises" du XVIe siècle. Le chemin du Château d'aujourd'hui prend naissance entre le bâtiment dit "du Congélateur" et la "maison des oeuvres". Anciennement, il partait de la seigneurie située dans l'actuelle cour du Foyer pour personnes âgées et passait sous un portique derrière l'église paroissiale.
 
La première mention de notre château est faite le 18 janvier 1333. L'Evêque de Bâle, Jean de Châlon, signe à cette date, un acte "en son chattel de Sainct-Ursanne". Propriété des Princes-Evêques de Bâle, il fut vendu comme bien national le 1er fructidor de l'An IV, soit le 18 août 1796, pour le prix de Fr. 488.-. L'acheteur, le forestier Frossard de Montvoie, le céda à un Français, Huvelin de Bavilliers, près Belfort. Celui-ci venait d'acquérir les forges de Bellefontaine, également vendues comme propriété nationale. Ce nouveau possesseur fit démolir quelques parties du château pour en transporter les matériaux à Bellefontaine. Passant en diverses mains, ses dernières belles pierres servirent en 1827 à la construction d'une filature à Saint-Ursanne, laquelle fut incendiée en 1852. Sic transit gloria mundi !
 
Il y a trois ans, nous avons eu la joie de retrouver, au Musée des Invalides à Paris, trois bouches à feu provenant du château de Saint-Ursanne. Prises par les gens d'armes de notre cité à Charles le Téméraire, à la bataille de Morat en 1476, elles étaient conservées en notre château. Le 11 mars 1637, en pleine Guerre de Trente ans, le comte de Grancey, qui devint maréchal de France, s'empare de notre citadelle, la démantèle et emmène les bouches à feu en France.
 
Trois autres de ces pierriers nous sont également connus par l'historien Auguste Quiquerez. Le 18 décembre 1852, il écrivait ceci : "La semaine dernière, en furetant et à l'église et à l'hôtel de ville de Saint-Ursanne, mon pied heurta contre des masses de fer, qu'en regardant de plus près, je reconnus avec ébahissement des pierriers de la fin du XIVe siècle ou commencement du XVe siècle. Ils sont trop lourds pour les passer d'une main à l'autre. L'histoire les fait descendre du château de Saint-Ursanne. Les trois pierriers servaient à la défense du châtelain que l'Evêque de Bâle logeait dans ce manoir. Ils étaient ajustés sur de gros bois, nonobstant leur nom de couleuvrines à main. Pour me procurer ces trois pierriers de fer, j'ai donné trois mortiers de fonte fabriqués exprès. Ils sont introduits dans mon petit musée jurassique où ils reposent en sûreté."
 
Ces trois bouches à feu originales ont disparu, mais les trois mortiers en fonte de 1852 ornent encore aujourd'hui une salle de notre hôtel de ville.
 
Réunie en Assemblée extraordinaire le 13 septembre 1793 à six heures et demie du soir, la Municipalité assemblée en l'hôtel de ville écoute le citoyen Nicolas Piquerez. (Celui-ci avait été surnommé le Nicolas des cloches, en patois, le "Colas des çieutches", pour son zèle à enlever les cloches des églises à la Révolution.) Piquerez communique un extrait des registres du Département du Mont-Terrible où il lui est ordonné "de se rendre à Saint-Ursanne pour faire dépendre les cloches dudit lieu, à l'exception d'une seule". Le château était encore entier, voire habité. Là-haut, une cloche servait à donner l'alarme en cas d'incendie. Piquerez fait descendre cette cloche, malgré les supplications des habitants. Lorsqu'elle fut sous ses yeux "devant la maison de commune", Piquerez se ravise et s'exclame : "Si j'avais su qu'elle avait si peu de valeur, je l'aurais laissée !" Les habitants la récupérèrent en effet.
 
Chemin du Château, quel beau nom poétique pour une voie d'accès !

Route de la Gare

En février 1876, la ligne de chemin de fer Porrentruy - Delémont était achevée. Saint-Ursanne en fit l'inauguration le 1er mars 1876. Le premier vendredi du mois de mars 1877, le premier train passe à la gare et on célèbre cet événement par une petite manifestation. Le conseil s'adjoint un comité chargé de "l'organisation des décors et fête de réception" ; il était ainsi composé : MM. Bouvier Théobald, Humair Joseph, Guerry Xavier et Gigandet Jules, ce dernier régent.
 
Le 8 juin 1873, l'Assemblée communale demande à la Direction des travaux que la gare soit établie "Derrière le château". La proposition est refusée. En 1874, on construit la gare et au printemps 1875, la route y donnant accès. Le 31 janvier de cette même année, on en accepte le tracé. La largeur en est fixée à 6 mètres et les terrains achetés pour la construction coûtèrent 4518 francs à la ville de Saint-Ursanne.
 
A noter que notre ville, avec ses quelques 730 habitants, prit des actions du chemin de fer pour Fr. 550'000.- (environ trois millions de notre monnaie actuelle).
 
Si, il y a un peu plus de cent ans, ce sacrifice n'avait pas été consenti, nous n'aurions pas notre route de la Gare.

Rue Basse

Celle-ci est un peu notre "Canale Grande", notre grand canal, comme à Venise, ceci lors des inondations.
 
Les crues du Doubs, si désastreuses soient-elles pour les riverains, n'en sont pas moins très spectaculaires. Le 17 janvier 1670, le pont de la ville est emporté ; environ un mètre d'eau dans notre rue. En septembre 1812, 360 stères de bois sont enlevés par les eaux. Le chemin des Lavoirs est rendu inutilisable par l'inondation de janvier 1822. Selon le protocole du Magistrat :
 
 "Un grand malheur visita la ville le premier mercredi du mois de septembre 1831. Une pluie continuelle de trois jours et trois nuits fait déborder le Doubs. Les arrêts des flotteurs à Lorette sont rompus et d'énormes masses de bois menaçant d'arracher le pont (actuel) sont retenues à l'écluse. On sonne le tocsin et le maître bourgeois invite tous les habitants à venir la dégager et de prendre leurs chevaux. Quatre-vingt-huit hommes prêtent secours et faillirent être emportés par le cours impétueux de la rivière... La route des Rangiers est impraticable depuis trois jours... Le petit pont de Lorette est détruit et le chemin entièrement dégradé".
 
Ceci pour dire dans quel état se trouve notre rue Basse lors de crues. Le Doubs en fait encore des siennes en 1887. Ce fut la plus grande inondation avec 1910. Les gens de Saint-Ursanne pouvaient prendre de l'eau depuis le pont avec un puisoir à lessive. Puis celles de 1956 et 1957, toutefois moins importantes.
 
Cette rue a son cachet tout particulier. Elle a été également formée après l'incendie de 1403. Sur les gravures de Wurstisen de 1570 et 1580, on n'y voit que quatre à cinq maisons ; entre autres une très belle demeure bourgeoise (Tosalli).
 
Une tuile découverte sur le toit d'une de ces maisons porte l'inscription : "Le jour du Seigneur 1526".
 
En 1858, la fontaine se trouvant au bas des escaliers de l'Ermitage est supprimée et placée à la rue Basse. Son fût est de 1667 avec les initiales J.Q. (Jean Quillerat) et M.B. L'assemblée communale du 1er juillet 1866 décide à l'unanimité de "refaire le bassin de la même dimension que celui qui existe, et un autre plus petit". Le tout est achevé en 1867 et porte l'inscription "Pierre Migy, maire 1867".

Rue du Clos de la Gindrée

Gindrée, du latin vulgaire geindre: ouvrier boulanger. Le Clos de la Gindrée est cette grande parcelle de terre située à droite et à gauche de la route du Clos-du-Doubs en quittant Saint-Ursanne, direction Epauvillers.
 
En 1385, on trouve Bourquin Gindre, bourgeois de Saint-Ursanne. Des membres de cette famille possédaient cette terre au XIVe siècle, à laquelle on a donné le nom de La Gindrée. En 1349, le prévôt Hennemann Münch louait un chésal situé au-dessus du chemin qui conduit à la fontaine de la "Gendrey". En lisant les protocoles, on constate que tout au long des siècles, les pauvres n'étaient pas oubliés. Ainsi, le Magistrat fait établir à La Gindrée, en 1748, des jardins en faveur des bourgeois pauvres. Ces jardins de quarante pieds de longueur sur quinze pieds de largeur furent tirés au sort le 10 mai 1748 pour une durée de vingt ans. Dix-sept familles en bénéficièrent. C'est sur l'emplacement de ces jardins que furent construites par Emile Piquerez, en 1918, les maisons dites "de la Cité" ; le terrain ayant été cédé à celui-ci par Joséphine Vallat, aubergiste de "l'Ours".
 
L'appellation de rue du Clos de la Gindrée est bien trouvée et remplace avantageusement le terme trop banal de rue de la Cité.

Chemin des Saules

Du latin salix: saule. Ce lieu dit "Les Saules" porte déjà sa dénomination en 1832, sur le plan cadastral.
 
Ce chemin est particulièrement connu des écoliers. Le 17 décembre 1960, le nouveau bâtiment scolaire est inauguré "aux Saules", remplaçant l'ancienne école de 1815. Discours du maire Joseph Migy, de l'architecte Alban Gerster, etc., entrecoupés par les productions de la fanfare et du choeur mixte. Ceci sous une bise glaciale.
 
On trouve à plusieurs endroits des Saulaie ou Saussaie. Chez nous, ce lieu-dit était anciennement très marécageux et partiellement couvert de saules. Mis en valeur, il est devenu la belle prairie d'aujourd'hui incorporée à la métairie du Tillot.
 
Ici aussi, la tradition a été respectée.

Route des Rangiers

Celle-ci conserve sa dénomination. En 1832, elle portait déjà ce vocable. Toute la série de "ran" vient du latin "ramum", rameaux, employé déjà par Pline, dans le sens de "ramification de montagnes". Ainsi, en 1593 : "Au Ranchier", dans les reconnaissances de terres de l'Evêché de Bâle et en 1749: Les Rangiers.
 
Le 17 décembre 1859, entre autres, le Préfet de Porrentruy demande au maire de Saint-Ursanne d'ouvrir convenablement la route des Rangiers, des Malettes à Bellefontaine, pour le trafic des forges. Le col des Rangiers est à 856 mètres d'altitude.

Route de Saint-Hippolyte

Celle-ci reste également inchangée et nous rendons hommage à notre ville soeur qui nous rend la pareille avec sa rue de Saint-Ursanne.
 
Le plan de 1832 la désigne: "Chemin des forges de Bellefontaine". C'était le temps où cet ancien établissement sidérurgique des Princes-Evêques de Bâle était encore en pleine exploitation.
 
Un service de diligence reliant Saint-Ursanne à Vaufrey empruntait cette route. Il est fort probable que les Romains avaient déjà une voie de communication tout au long du Doubs et après la chute de l'Empire, le poste frontière fut conservé à La Motte, séparant ainsi la Séquanie et la Rauracie.
 
On a en effet découvert, il y a peu d'années, quelques pièces de monnaies romaines à La Motte qui tire son nom de "maute", du vieil allemand: poste frontière. Le français en a fait: "maute", "mote", La Motte.

Chemin du Clos Sainte-Catherine

Celui-ci prend naissance "au bout du pont" et s'en va rejoindre le sentier dit "de Montenol".
 
Certains le dénomment "Chemin du Cimetière", d'autres "Clos Sainte-Catherine", voire même "Chemin de la Marnière". Il est vrai qu'il conduit à La Marnière, là-même ou le Doyen Charles-Ferdinand Morel, dit en 1813 "que l'on tire une marne d'excellente qualité à Saint-Ursanne", mais il longe et dessert surtout le Clos Sainte-Catherine, situé entre La Gindrée et La Marnière.
 
En 1349, le prévôt Hennemann Münch amodiait (concédait l'exploitation) au chanoine de Brettelen, le Clos Sainte-Catherine dans lequel ce chanoine, après y avoir bâti une maison, était autorisé à y élever de nouvelles constructions. Tout un quartier sur la rive gauche du Doubs a été emporté par les siècles et vers 1880, on y voyait encore l'emplacement de plusieurs bâtiments.
 
Le nom de ce lieu-dit, figurant sur le plan de 1832, vient que cette parcelle était une donation en faveur de la chapelle de Sainte-Catherine, une des dix-huit chapelles de la Collégiale dès le XIIIe siècle. En 1350 déjà, on le situe "au-dessus du chemin qui conduit a la fontaine de la Gendrey (Gindrée), entre le jardin de Gruesseria et la maison de Chade Ku". Rassurez-vous, ce dernier vocable n'est pas péjoratif, mais un simple nom de famille de l'époque. On l'orthographiait également Chadecu ou Chaudecu. Enfin, il veut dire ce qu'il veut dire ! (Des Chaudecu vivaient aussi à Delémont au XIVe siècle.)
 
En 1334, le bénéfice de location d'une maison à Saint-Ursanne, va également à la chapelle de Sainte-Catherine. Nous avons retrouve trace de quelques chapelains desservant son autel, entre autres : Richard Firmiat en 1405, Pierre Scherern en 1450, etc.
 
Rappelons brièvement que sainte Catherine, martyre du IVe siècle, est la patronne des Catherinettes, ces jeunes filles qui, à vingt-cinq ans, en mal de maris, coiffent le bonnet de sainte Catherine. Patronne également des savants, des meuniers, des théologiens, des charrons et des potiers (à cause des différentes phases de son martyre).
 
En un chemin au nom si plein de charme, gageons que toutes les jeunes filles y habitant ne "coiffent pas sainte Catherine" !

Rue du Moulin des Lavoirs

Sis sur le territoire de Saint-Ursanne, Bellefontaine tire son nom d'une source jaillissant des flancs du Lomont.
 
Le premier document relatant ce lieu date du 22 mars 1563. C'est une requête d'un nommé Heinrich Guyer, bourgeois de Porrentruy, qui sollicite de l'Evêque de Bâle, habitant déjà notre chef-lieu et possesseur de la régale des mines, la permission de bâtir une forge au-dessous de Saint-Ursanne, en un endroit "proche de cette ville". La demande du pétitionnaire est accordée avec autorisation d'extraire le minerai. Mais hélas ! la mine est plutôt rare dans la Seigneurie de Saint-Ursanne. Il faut aller la quérir dans la vallée de Delémont et cette opération étant trop onéreuse pour l'époque, cette première forge cessa son activité vers 1584. Ce n'est qu'en 1753 que la Cour de Porrentruy, sous le règne de Joseph-Guillaume de Rinck, se décide à y établir une aciérie. Dès la naissance de Bellefontaine (1563), on installa un patouillet sur le ruisseau, capté aujourd'hui, qui alimente Thécla S.A. Ce patouillet, un laivoux (lavoirs) en langage courant de l'époque, était un appareil, ou plutôt une installation destinée à laver le minerai, encroûté de terre, sable et argile (gangue) et a donné son nom au Moulin des Lavoirs. En ce temps-là, on allait creuser le minerai comme on creusait les pommes de terre. Quand on en possédait une certaine quantité, on l'emmenait aux Laivoux et de là à la forge de Bellefontaine.
 
A une certaine époque, Saint-Ursanne ne comptait pas moins de cinq moulins, qui étaient vitaux. Le moulin de la porte Saint-Pierre, fief du chapitre, plus connu sous le nom de moulin Grillon, du fait des meuniers de père en fils portant le nom de famille Grillon. Il était alimenté par les eaux du Doubs et son exploitation cessa en 1873. Il abrite actuellement une partie des ateliers de la Manufacture de boîtes de montres L. Frésard S.A., succursale de Saint-Ursanne. Le barrage ainsi que le cours d'eau actionnant ce moulin, puis une scierie, subsistent encore.
 
Le moulin de la Grange, dit moulin Choulat, était situé devant la porte Saint-Paul. Il appartenait à la ville et aux paroisses de Saint-Ursanne, Villers (Epauvillers) et Saint-Brais. En 1572, le meunier, Ursanne Choulat, maître bourgeois, se plaint au chapitre de la concurrence que font de nouveaux établissements de meunerie, entre autres : Boleman et les deux moulins de Chervillers. Il obtient l'autorisation d'installer une seconde roue pour moudre et gruer, sans augmentation de la cense. Ursanne Choulat, dit le jeune, obtint après la Guerre de Trente ans, une forte diminution de la rente annuelle due sur ses deux moulins. Désormais, il sera redevable d'un bichot de froment pour le moulin du bas et dix peneaux de froment pour le moulin du haut. Ces deux minoteries, actionnées par l'eau du ruisseau venant de la source de Saint-Ursanne, ont été détruites par un incendie vers 1880. Une filature puis une scierie furent édifiées à leur place.
 
A l'intérieur des murs existait également un moulin, dit "moulin de la ville". Le 13 mars 1574, Ursanne Belorsier, ancien bandelier et maître bourgeois de Saint-Ursanne, se présentait devant le prévôt et chapitre de Saint-Ursanne et déclarait avoir obtenu de Monseigneur l'Evêque, prince et seigneur temporel de la prévôté, l'autorisation de construire un moulin sur les fossés de la ville. Belorsier suppliait le chapitre de lui concéder le cours d'eau provenant de la "fontaine Monsieur Saint-Ursanne". Il fut débouté et dut prendre l'eau du Doubs. Sur la gravure de Wurstisen de 1580, on aperçoit nettement la roue du moulin, côté sud-ouest.
 
Ainsi que nous l'avons dit, le moulin Grillon était propriété du chapitre, mais en 1731, les chanoines reprennent à leur compte, le moulin des "Laivoux". Ils font ériger des roues et bâtiment et le louent à Laurent Noirat, meunier.
 
Mais les propriétaires des moulins d'alentours ne l'entendent pas ainsi. Ils s'insurgent contre le chapitre, qui possède déjà un moulin, et menacent même de ne plus payer leurs impôts. Nous vous citons partiellement cette lettre de protestation :
 
"Aux très Révérends et Révérendissime Seigneurs, Messieurs les Prévôt, coustre et chanoines de l'insigne Eglise collégiale de Saint-Ursanne. Remontrent en toute humilité et soumission, Henry Joseph Juillerat, meunier es moulins devant la porte Monnat (Saint-Paul) de Saint-Ursanne, Ignace Prudat, munier de Chervillers, les Grillon du moulin Saint-Pierre et Jean-Baptiste Frossard, munier d'Ocourt et du Doubs, et disent que malgré tout le respect qu'ils ont et auront à perpétuité envers leurs Seigneurs directes... ils se trouvent pourtant aujourd'hui obligés de se plaindre, mais filialement, et en premier, de ce que contre leurs anciens documents et instruments féodales, un nouveau fiéteur vient les déranger dans leurs droits et ceux desdits Seigneurs en érigeant au moulin des Laivoux, des roues et bastiment, qui abrogent pour le dire tout en un mot, leurs privilèges si longtemps reconnus et payer au profit desdits Seigneurs a qui aujourd'hui s'il ne leur plait de veiller à les soutenir dans leurs droitures d'un tems immémorial... on refuse de payer le canon (cens, impôt), etc."
 
Un bel acte de soumission au chapitre, mais pour l'époque, une énergique protestation ; propre à défendre les intérêts communs des meuniers.
 
En 1631, le moulin des Laivoux est tenu par le "monier" de Berlincourt. Jacques Bourquard, de Seleute, en était le possesseur en 1691, mais en 1713, il le vendait à Pierre Nusbaum de Saint-Ursanne. Le fils de celui-ci, Jean-Claude, céda les Laivoux aux frères Louis et François Verneur. Le fils de Pierre Bornèque, ce dernier directeur à Bellefontaine, le possède en 1830. En 1880, il devint la propriété de la famille Piquerez, puis ce fut la naissance de Thécla S.A.
 
Le tic-tac du moulin s'est tu, mais la route du Moulin des Lavoirs rappelle son souvenir.

Rue de la Cousterie

Ce vocable a remplacé la rue faussement appelée : de la Clouterie. Sur l'ancien plan de 1832, figure textuellement le "Clos de la Cousterie". Cette grande parcelle est située vis-à-vis de l'entrée de l'Ermitage, de l'autre côté du ruisseau qui descend de la source de saint Ursanne.
 
Anciennement, la cousterie était une terre appartenant au custode. Dans les anciens actes, tant aux archives communales que paroissiales, le custode est cité en langage courant : le coustre. Un custode était le troisième dignitaire d'un chapitre de chanoines, soit : prévôt, archidiacre, custode, etc. Il avait comme fonctions, entre autres : la surveillance des ornements sacerdotaux, ainsi que l'administration des biens de l'église dont il était le trésorier.
 
Quelques custodes : Jean-Germain Beurret, 1742, dont nous admirons encore aujourd'hui les magnifiques vêtements sacerdotaux, datés de 1730. Reinhardt Bouquat, 1665, de Roppe près de Belfort a laissé ses armes et son nom sur le bassin de fontaine qui se trouve devant la demeure de Madame Choulat. Pierre Crolot, de Trévillers, vers 1650; sa pierre tombale se trouve à la Collégiale. Jean-Henri Richarguenin, 1685; il a fait construire le petit portail plein de charme de l'Ermitage en y laissant discrètement ses initiales, etc.
 
Ce chemin desservait donc le clos de la Cousterie. On relève spécialement des revenus de cette terre en 1573, 1684, 1720. Les derniers custodes possédaient une habitation sise en cette rue.
 
Le 14 juin 1782, le chanoine Priqueler formule la requête suivante au magistrat, de la part du chapitre:
"Le vénérable chapitre est intentionné de bâtir à neuf la vieille cousterie et désirerait l'avancer du côté des fossés. Lorsque le chapitre aura planté les piquets sur lesdits fossés, on se rendra sur place pour délibérer.»
 
Cousterie... ancien nom de chez nous.

Chemin du Bel-Oiseau

Celui-ci s'en va de la chapelle de Lorette vers la forêt du Bel-Oiseau. La commission a jugé bon de modifier le chemin de Paquoille en celui plus poétique de chemin du Bel-Oiseau.
 
Certes, la dénomination du lieu-dit : Paquoille, subsiste. Du latin : pascua : pâturage, on en a fait pacua, Paquoille. C'est sur ce pâturage qu'au début de ce siècle, Babette Bono, née Dressier, construisit la maison a laquelle on a donné le nom de la parcelle de Paquoille.
 
L. Jolissaint, forestier en 1855, dans son "Essais d'aménagement des forêts de Saint-Ursanne", décrit Bel-Oiseau comme une antique sapinière, au sous-sol profondément disloqué. Rocailleux à la surface, éminemment favorable à la croissance des grands végétaux ligneux. Il y relève des sapins dont l'âge moyen varie entre 100 à 190 ans, et des hêtres entre 40 et 100 ans. Cette forêt appartenait à la commune et non pas au chapitre. Elle ne figure pas dans la liste des biens, vendus comme "biens nationaux" à la Révolution.
 
Elle est surtout célèbre pour sa source d'eau ferrugineuse. Captée vers 1905 par l'érudit breton qu'était L. Radiguet, ses eaux alimentaient un établissement de bains installé par lui dans le champ de Paquoille. Les bains de Bel-Oiseau, que de souvenir... Hélas ! ceux-ci ne furent qu'éphémères.
 
Il fut un temps où le ramassage des faines était réglementé. Il était strictement défendu de récolter ces fruits dans les forêts mises à ban. Or, le 7 novembre 1729, le magistrat inflige des amendes de 10 batz à des délinquantes.
 
Le "banvard" (de l'allemand : bannwart, du vieux français : bangard et du patois : banvaid), garde-forestier et champêtre, Jean-Baptiste Eray, avait surpris à ramasser des faines dans la côte du Bel-Oiseau, trois des filles d'Eray Grillon, la fille de Jean-François Delfils et celle du maire La Motte.
 
Dans le protocole du même jour, on relève encore:
"La femme de Nicolas Quillerat, la fille d'Ursanne Bouvier le charpentier, avec Marguerite, l'une des filles de feu Jean-Ignace d'Eschamps, ayant aussi chacune d'elle encourue le même chatois de 10 batz pour s'être aussi trouvée a cueillir de la feinne dans la Côte du Bel-Oiseau, au rapport du banvard."
 
Chemin du Bel-Oiseau, un nom si pittoresque.

Route du Clos-du-Doubs

Auparavant, route d'Epauvillers. La nouvelle dénomination est beaucoup plus logique.
 
En 1872, Pierre Migy, maire, s'en va chercher trois croix aux forges d'Undervelier. Une fut posée à la source de saint Ursanne, une autre sur l'emplacement de l'ancien gibet et la troisième est encore de nos jours au grand tournant de notre route, à la bifurcation pour la Lomenne. (Les deux autres subsistent également.)
 
Anciennement, pour se rendre dans le Clos-du-Doubs, le chemin passait par la Marnière et rejoignait celui de Montenol - Moulin des Lavoirs.

Route de la Croix

La "Route de Porrentruy" devient la route de la Croix. Elle relie Saint-Ursanne à l'Ajoie par le col de la Croix à 796 mètres d'altitude. L'ancienne "Voie antique" partait également de Sur-la- Croix pour arriver comme celle d'aujourd'hui devant la porte Saint-Paul. Elle avait une longueur de 2700 mètres. Si par bonheur, on devait retrouver des monnaies romaines sur son tracé, on pourrait affirmer avec certitude qu'elle était romaine. La route actuelle a une longueur de 3880 mètres avec une moyenne de pente de 16 %.
 
Le 31 août de cette année, cette route commençait de se fissurer puis finit par s'effondrer sur une grande longueur, côté Courgenay. Elle paraît assez instable, car le 15 décembre 1842, Jules de Lestocq, ingénieur, signale une brèche de 300 pieds côté Saint-Ursanne et de 160 pieds côté Courgenay.
 
Sur-la-Croix est un lieu connu depuis fort longtemps et une croix y fut plantée peut-être déjà au VIIIe siècle. Celle d'aujourd'hui est datée de 1604. Une route venant de la vallée du Doubs, par le château de Montvoie et reliant la station romaine d'Outremont passait sur ce col (vers 615, le noble franc Euklion habitait au château d'Outremont). Une autre route partait de Saint-Ursanne et reliait le pays de Porrentruy, empruntant à peu près le même tracé que celle d'aujourd'hui.
Quelques citations :
  • 1371, les terres de Sur-la-Croix.
  • 1400, de Saint-Ursanne jusqu'à la Crois.
  • 1411, vers la Crois de Saint-Ursanne.
  • 1428, le chant (champ) de la Crux.
  • 1562, la ferme et domaine de Sur-la-Croix.
  • 1573,   au finage de Saint-Ursanne, Sur-la-Croix ainsi que l'on vat audit Saint-Ursanne dez Pourrentruy.
 
En 1620, une nouvelle bâtisse est construite par le Collège de Porrentruy sur un terrain donné par Henri Vergier, également de cette ville. L'ancienne demeure porte sur le linteau de sa porte les initiales de Charles Metthez qui la reconstruit en 1787. En 1806, elle est la propriété de Pacifique Metthez.
Le domaine de Sur-la-Croix est vendu comme bien national en 1793.
 
En décembre 1630, en pleine Guerre de Trente ans, on verse cinq livres et quatre sols à "ceulx qui abbatirent le bois pour barriquader les chemins, tant à la montage de Courgenay, souls Plainmont que dessu la Croix, contre Montgremey". En mars 1634, un poste d'observation et de défense est établi sur la Croix, les Suédois s'étaient emparés de Belfort et se dirigeaient sur l'Ajoie. Chaque jour, on portait des vivres aux gardes, et aux frais de la ville.
 
En 1727, Jean-Germain Metthée, menuisier de Sur-la-Croix, est reçu bourgeois de Saint-Ursanne.
 
Une auberge était tenue en 1830 par Christophe Grenouillet. Sa fille Marianne, fiancée à François-Joseph Feune, est également acceptée bourgeoise cette même année. Cette auberge a cessé d'exister au début de la guerre 1939-1945. Justin Marchand l'a exploitée de 1908 à 1922, et avant lui, une famille Briot. Paul Cerf la reprend en 1923 puis Neukomm en 1933. Sur-la-Croix est de nos jours la propriété de la famille Ernest Saxer qui y habite.
 
La croix datée de 1726 qui est à l'intersection de la route de Saint-Hippolyte était encastrée dans le mur de la propriété Nussbaumer. Le 27 juillet 1716, Frantz Feune, maçon et tailleur de pierre, sa femme et son fils Xavier, sont reçus bourgeois de Saint-Ursanne; moyennant 50 livres bâloises, plus "deux écus blancs pour la demie tinne de vin à la ville et une souille de cuir bouilli" (un seau de cuir pour les pompiers) (bourgeois : classe intermédiaire entre la noblesse et le peuple). Le 8 avril 1726, le Magistrat le charge d'ériger cette croix.
"... il est convenu avec maistre Frantz Feune, masson pour travailler une croix de pierre a estre posée et dressée devant la porte Monnat, qui sera de 10 pieds environ de hauteur et de la façon et modelle qui sera prescrit. Il s'est soumit et obligé d'en creuser et tirer les pierres que la ville voiturera, de les coupper, tailler et travailler. De dresser et affrmir ladite croix, moyennant lui fournir le fer et plomb nécessaire."
 
Frantz Feune reçoit pour ce travail la somme de 14 livres bâloises.

Rue du 23-Juin

Après le vote historique de 1974, et ensuite d'une pétition signée par plusieurs centaines de citoyens et citoyennes de Saint-Ursanne, le Conseil communal, dans sa séance du 2 décembre 1976, décide à l'unanimité de donner le nom de Rue du 23-Juin à la Grand-Rue.
 
Ce grand humaniste, ce pape des ouvriers que fut Léon XIII, disait de l'histoire : "La première loi de l'histoire est de ne pas oser mentir ; la seconde, de ne pas craindre d'exprimer toute la Vérité."
 
Après la bataille de Waterloo du 18 juin 1815 et l'exil de Napoléon 1er, les grandes puissances européennes réorganisent l'Europe au Congrès de Vienne. Les territoires formant l'Ancien Évêché de Bâle furent attribués au canton de Berne. Ainsi nous l'apprend le premier paragraphe de "l'Acte de réunion du ci-devant Evêché de Bâle au canton de Berne". (Cet acte, conclu à Vienne le 14 novembre 1815, fut ratifié par Leurs Excellences de Berne, le 23 novembre 1815.)
"Ensuite de la Déclaration du Congrès de Vienne, signée le 20 mars 1815, par laquelle les hautes puissances alliées réunies pour compléter le traité de paix de Paris du 30 mai 1814, ont stipulé que les pays formant l'Evêché de Bâle feraient à l'avenir partie du canton de Berne..."
 
Le passé nous a appris que cette réunion fut une erreur et que l'assimilation n'eut jamais lieu.
 
Les événements politico-religieux de 1830 furent les plus virulents chez nous. Le 11 mars, notre ville est occupée militairement. Les carabiniers d'un corps de l'Oberland sont répartis chez les habitants. Dix hommes chez le maire, dix chez le curé, etc.
 
Dès 1815, Saint-Ursanne cherchait à recouvrir, du moins partiellement, ses anciennes prérogatives. Le 16 décembre 1830, le magistrat adresse une requête en 24 points à "Leurs Excellences de la ville et République de Berne". Une partie de ce programme reçut son application, mais le voeu le plus cher de la ville ne fut pas entendu, à savoir :
 
1.      La ville demande à être un chef-lieu indépendant (préfecture) des autres chefs-lieux du Jura.
2.      Que l'ancienne Prévôté de Saint-Ursanne (territoires) soit réunie au dit chef-lieu.
3.      La ville de Saint-Ursanne demande la conservation de ses droits, privilèges et franchises qui lui ont été accordés par les ci-devant princes, etc.

 
L'avenir fera peut-être de Saint-Ursanne et du Clos-du-Doubs une circonscription électorale.
 
Puis vint le réveil du peuple jurassien en 1947 et la votation du 23 juin 1974.
 
Saint-Ursanne, avec Montmelon et Montenol, accepte la formation du canton du Jura par 487 oui contre 117 non, avec une participation de 635 électeurs sur 681. On dénombra 31 bulletins blancs dans les urnes et 46 électeurs s'abstinrent de voter.
 
Entre porte Saint-Pierre et porte Saint-Paul, la rue du 23-Juin. Avec ses 290 mètres de longueur, elle est notre centre commercial. Sur les neuf hôtels et restaurants que compte Saint-Ursanne, six sont situés en cette rue. Avec ses magasins, ses anciennes demeures, sa fontaine de 1677 (cette fontaine a été adjugée le 8 mars 1677 à Pierre Jeannerat et Jacob Hugonin, pour le prix de 100 batz suisses plus 3 livres) et son pavage de 1925, elle a fière allure.
 
Le 21 avril 1403, un incendie dévora la ville entière, sauf la collégiale. "Le mardi devant la saint Marc, par orval de fue (ouragan de feu) la ville fut de tout en tout destruite et mise à néant." C'est après ce désastre que la cité fut agrandie vers l'Est, en prolongeant la rue du 23-Juin à laquelle on fit aboutir quatre rues perpendiculaires.
 
Le "mercredy de l'an 1406 après saints Pierre et Paul", le vénérable abbé de Bellelay, Henri Nerr, vend sa maison incendiée au magistrat de la ville. Les autorités d'alors la reconstruisent. En 1492, ce bâtiment est terminé et il est converti en "maison de ville". C'est notre hôtel de ville qui se dresse encore fièrement aujourd'hui sur la rue du 23-Juin. La plus belle demeure située en cette rue est incontestablement la "maison Béchaux", dont la restauration s'est terminée en automne 1975. Ce magnifique bâtiment fut construit en 1578 et a appartenu à la branche boncourtoise de la famille de Staal, dont les armoiries figurent sur le porche d'entrée : "de sable à une patte de griffon d'or". Vendue à la Révolution française, elle passa aux mains de la famille Bourquard de Saint-Ursanne. Ceux-ci étaient connus dans tout le pays, de père en fils, comme habiles serruriers, ferronniers d'art, sculpteurs et fabricants de pompes à incendies. Ils convertirent partiellement leur maison en auberge et leur dernière forge fut incendiée en 1888. C'était celle de François Bourquard, dit "le çioûeçiat" ! (soufflet de forge), un des derniers fabricants de pompes à incendie, qui vit se réduire en cendres son atelier situé vis-à-vis du restaurant de l'Helvétia ! Ruinés, ils vendirent leur habitation à Xavier Migy, médecin, qui la céda à l'avocat Auguste Béchaux.
 
C'est le 18 décembre 1867 qu'eut lieu la vente de cet immeuble historique. Le marché fut conclu à Montbéliard entre Madame Elisabeth de Courville, épouse assistée et autorisée de Xavier Migy, rentier, et Auguste Béchaux, avocat à Porrentruy. L'acte de vente a été vu et enregistré le 20 décembre 1867 par le président du Tribunal de Porrentruy.
 
A sa mort, Auguste Béchaux légua sa maison en faveur de la création du home d'enfants qui porte le nom de "Fondation Béchaux-Schwartzlin".
 
En 1578, ainsi que nous venons de le dire, fut érigé ce bâtiment, par Ursanne Desglans, chanoine du Chapitre de Saint-Ursanne, de 1568 à 1599. Son blason, mutilé à la Révolution, ainsi que ses initiales, figurent encore sur la porte d'entrée principale, dans la cour. Celui-ci est curé de La Motte de 1564 à 1581, et chapelain de Saint-Ursanne en 1566. En 1601, il avait environ 50 ans, et il vivait encore en 1604.
 
Mais, d'où venaient ces Desglans ou Desglands vivant à Saint-Ursanne au XVIe et XVIIe siècles?
 
Les Gland était une famille originaire du village de Gland, au district de Nyon. Elle était vassale des sires de Prangins et se trouve citée en 1277, en la personne d'Antoine de Gland ou Glans. Il est fort probable qu'à la Réforme, cette famille est venue s'installer dans l'ancien Evêché de Bâle.
 
Pierre des Glands, notaire public à Nyon, instrumente à Tavannes dès 1521 et on le retrouve encore en 1534 et 1542. Ursanne avait un frère, Thiébaud, hôtelier en 1593, à Saint-Ursanne. Louis est marchand de vins en 1614 et Jacques, drapier, se fixe à Delémont, en 1615. En 1630, Matthieu est maire de Saint-Ursanne.
 
Le dernier mentionné de cette famille est Jean-Henri Desglans, bourgeois de Saint-Ursanne et prêtre. En 1624, il est curé à Cherceney puis à Soubey. De 1634 à 1637, il occupe la cure de La Motte et enfin il est administrateur de la paroisse d'Epauvillers de 1644 à 1652.
 
Un autre blason de la famille Desglans existe encore à Courtételle. Au cimetière de cette paroisse, devant la porte d'entrée de l'église se trouve la pierre tombale de Walter Wicka, bourgeois de Delémont, décédé le 23 mars 1666. Sur cette dalle funéraire figurent les blasons des Wicka et des Desglans, car il avait épousé quatre femmes, dont la dernière est Antoinette Desglans, veuve de Jacques Chassignot, décédée en 1674.
 
"Sous les Tilleuls", qui n'aime pas s'y reposer ? C'était jusqu'en 1846 le cimetière. Il empiétait sur une bonne partie de la rue du 23-Juin. On versa la somme de 72 francs et 30 rappes au colonel Buchwalder de Delémont, pour son nivellement, ainsi que pour le plan des murs et des escaliers.
 
L'ensemble des bâtiments dits : "la maison des Oeuvres" est remarquable et contribue à donner son aspect à la rue du 23-Juin. Cette ancienne résidence du Prévôt (puis de l'archidiacre) a été reconstruite en 1503. Son balcon en encorbellement est une merveille d'architecture.
 
Vis-à-vis, une demeure de chanoines, aux armes des familles Hugué de Delémont, 1656, ainsi que celles des Desboeuf, bourgeois de Saint-Ursanne (congélateur).
 
Le 26 janvier 1558, un incendie réduisit en cendres quarante-sept maisons de la ville. Entre autres le très beau bâtiment de l'Hôtel de la Couronne, jouxtant la porte Saint-Pierre. La date de reconstruction figure sur sa façade, 1560.
 
Narrer ici tous les événements qui se sont passés en notre rue du 23-Juin est impossible. Cela n'est pas notre but. Mentionnons brièvement quelques faits et passages de troupes...
 
Les "navarriens" d'Henri IV en 1587. Les terribles Suédois, impériaux et soldats de Louis XIII qui mirent le pays à feu et à sang à la Guerre de Trente ans (1618-1648).
 
Un triste cortège par la porte Saint-Pierre, le 2 mai 1740. Cet événement pourrait être rappelé en apposant le panneau suivant devant l'hôtel de ville :
 

IN MEMORIAM
 
Arrêtés à Tavannes et Bellelay les 29 et 30 avril 1740,
conduits dans les prisons de Saignelégier,
 
PIERRA PEQUIGNAT
 
et ses compagnons Jean Varré et Jean-Pierre Riat, patriotes jurassiens et défenseurs des libertés populaires, ont passé enchaînés devant l'hôtel de ville de Saint-Ursanne, le 2 mai 1740, escortés de 200 dragons et grenadiers français sous les ordres du lieutenant-colonel de Châteaurenard.
 
Ce corps de troupe arrivé le 1er mai 1740 à Saint-Ursanne avait passé la nuit à l'auberge du Cheval-Blanc (Maison des oeuvres actuelle). Il avait pris en charge les prisonniers arrivés de Saignelégier et les transférait dans les cachots du château de Porrentruy. Sous le règne du prince Jacques-Sigismond de Reinach, Jean Varré fut banni pour dix ans. Pierra Péquignat, Jean-Pierre Riat et Fridoloz Lion (celui-ci arrêté le 4 septembre 1740) périrent par le glaive le 31 octobre 1740 sur l'échafaud dressé devant l'hôtel de ville de Porrentruy.
 
Jurassiens, passants, visiteurs, pensez à eux.
 
 
En 1805, après la paix de Presbourg, durant la période française (1792-1815), le général Nicolas Charles Victor Oudinot, à la tête de 6000 hommes, passa à Saint-Ursanne où il fit une halte d'une nuit. Il se rendait de Belfort à Neuchâtel pour prendre possession de cette principauté au nom de l'Empereur. Il passa la nuit à l'auberge des Deux-Clefs, tenue par Joseph Marchand. C'est là qu'Ignace-Italin, ancien caporal des armées napoléoniennes, pensionné et garde-forestier à Saint-Ursanne, eut l'honneur de présenter ses devoirs au général Oudinot. L'accueil affable que reçut le vieux soldat inonda Italin d'un bonheur inoubliable. Il narra cette rencontre jusqu'à la fin de ses jours.
 
En 1814, les alliés passent en notre ville durant plusieurs semaines. Autrichiens, Russes, Hongrois, Croates, Bohémiens, défilent en notre rue du 23-Juin et le Pré-l'Abbé est "rempli de canons".
 
La Transjurane, cette artère vitale pour notre pays, fait couler beaucoup d'encre. Les journaux, les  médias, les interpellations diverses, prônent en sa faveur. Or l'idée n'est pas nouvelle. Le 26 mars 1838, la première assemblée du "Comité des galeries du Mont-Terrible" a lieu à l'Hôtel de ville à Saint-Ursanne. Le but de ce comité était de relier Saint-Ursanne au pays de Porrentruy et à la vallée de Delémont par le percement de deux tunnels routiers passant l'un sous le col de la Croix et l'autre sous le massif de la Seigne-Dessus. Plusieurs personnalités de l'époque se retrouvèrent à Saint-Ursanne, entre autres : MM. Choffat, préfet de Porrentruy, président de l'assemblée, Eugène Bornèque, maître de forges à Bellefontaine, le colonel du génie Buchwalder de Delémont, Auguste Quiquerez, officier d'artillerie et ingénieur, le capitaine Theurillat de Saint-Ursanne, Jules Thurmann, géologue et professeur, Blondeau, ancien député du Doubs, à Saint-Hippolyte, Berberat, le distingué régent, etc. MM. Piquerez, maire, et Nusbaum, conseiller, en étaient les délégués de la ville de Saint-Ursanne. Et déjà en 1838, ces Messieurs disaient ceci : "... une entreprise toute nationale d'une si haute portée pour notre patrie est de nature à imprimer au Jura un aspect nouveau."
 

Et le procès-verbal de cette mémorable assemblée se termine ainsi : "De son côté l'assemblée atteste par acclamation qu'elle contribuera par tous les moyens qui sont en son pouvoir à cette oeuvre d'utilité publique".
 
L'année 1870 voit divers bataillons de Confédérés défiler en cette rue. Les militaires, bourgeois de Saint-Ursanne, reçoivent chacun, le 1er août de cette année, une indemnité de 10 francs.
 
Les jours sombres de juin 1940 sont restés dans la mémoire de tous ceux qui les ont vécus. Après la bataille des Flandres, les troupes allemandes effectuent une avance foudroyante à travers la France. Certaines troupes françaises encerclées pénètrent en Suisse, dans notre région ; soit la totalité du 45e Corps d'armée franco-polonais et des éléments épars, environ 40 000 hommes. Spahis, Annamites, Polonais et Français, avec armes et bagages, passent en la rue du 23-Juin, du 18 au 21juin 1940. Ce sont quelque 6000 hommes qui sont logés, accueillis et réconfortés ; 2000 couchèrent au cloître et dans la collégiale.
 
Un autre fait, plus récent et que l'on peut qualifier d'historique, s'est déroulé également en un établissement de cette rue du 23-Juin. Le 1er juillet 1951, Pro Jura tenait sa 48e assemblée générale en la salle de l'Hôtel du Boeuf, où pour la première fois à Saint-Ursanne, flottait un drapeau jurassien. C'est cette association qui, en 1947, dota le Jura de son drapeau (conçu sur une idée du Dr André Rais et réalisé par Paul Boesch, héraldiste à Berne). Mais il fallait qu'il fût reconnu officiellement. Le Dr Riat, de Delémont, le "père spirituel du drapeau jurassien" comme on l'a appelé, n'eut de cesse jusqu'à son homologation. Celle-ci tardait un peu malgré les diverses requêtes et demandes. Le Dr Riat, alors président d'honneur de Pro Jura, profitant de la présence de Markus Feldmann, représentant du gouvernement à cette assemblée, rompt une lance en faveur de cette homologation.
 
S'adressant au conseiller d'Etat, il lui dit malicieusement, et avec son sourire coutumier : "... et, si le gouvernement ne l'homologue pas, nous l'homologuerons nous-mêmes !"
 
Et le 12 septembre suivant, la presse nous apprenait que le Conseil-exécutif avait pris un arrêté concernant la reconnaissance de notre drapeau.
 
Le 29 juin 1952, le 2e Congrès suisse des Chevaliers de l'Ordre équestre du Saint-Sépulcre de Jérusalem a lieu à Saint-Ursanne. Des cérémonies fastueuses, rehaussées par la présence de Mgr Maillat et les Petits Chanteurs à la Croix de Bois, se déroulent tant en la Collégiale que dans les rues de notre antique cité médiévale. De hautes personnalités religieuses et civiles y prennent part et il faut remonter loin dans l'histoire de notre ville pour trouver une manifestation religieuse aussi revêtue.
 
Son Excellence le Cardinal Canali, Grand Protecteur de l'Ordre, s'était fait représenter par son Excellence le cardinal Valerio Valeri, Grand Chancelier de l'Ordre, venu spécialement de Rome. Etaient également présents : Mgr Bernardini, nonce apostolique à Berne ; Mgr Meile de Saint-Gall et Lisibach de Soleure ; Mgr Oesch, secrétaire général de Suisse ; Mgr Schaller ; MM. Schnyder de Wartensee, lieutenant de Suisse ; G. Burrus, lieutenant de Suisse romande, etc.
 
Un dernier salut à une "demeure" située dans la rue du 23-Juin, la collégiale. Ancienne église du chapitre, cette maison de prière a acquis ses lettres de noblesse au cours des siècles. Sa restauration a débuté en août 1964 et nous la retrouvons d'année en année plus vivante, plus jeune. Vibrant symbole de ce pays qui a gardé la foi de ses ancêtres, puisse-t-elle veiller et protéger jusqu'à la fin des temps la ville de Saint-Ursanne.
 
Rue du 23-Juin, coeur de la cité, cette dénomination rappellera aux générations futures une date inoubliable de l'histoire de notre pays.

INNOVATIONS

Chemin des Vignes

Plusieurs établissements religieux possèdent encore aujourd'hui leurs parcelles de vignes.
 
En l'an 635, saint Wandrille fonda le monastère de Saint-Ursanne. Ce monastère est encore appelé "abbatia (abbaye) extra urbem sancti Ursissini" en 1095, dans une bulle confirmative des droits spirituels sur notre abbaye, adressée à l'archevêque de Besançon par le pape Urbain Il. Notre abbaye bénédictine avait le privilège, déjà en ces temps si lointains, d'avoir ses propres vignobles en Alsace. Ceci étant nécessaire à assurer, entre autres, sa subsistance.
 
Au début du XIIe siècle, le monastère s'étant sécularisé, le pape Innocent II confirme, le 14 avril 1139, les possessions du chapitre de Saint-Ursanne. Extrayons de ce document, les rubriques qui nous intéressent: "... Or parmi ces propriétés, nous trouvons bon de mentionner les suivantes... la courtine et les vignes de Sigolsheim... la courtine et les vignes de Habsheim, etc."
 
Sigolsheim est situé en cette admirable région d'Alsace, entre Colmar et Riquewihr, à proximité de Kaysersberg, patrie du docteur A. Schweitzer. En 1184, le chapitre se dessaisit déjà de ses vignobles de Sigolsheim en les vendant au monastère d'Aspach. L'acte de vente fut passé au cloître de Saint-Ursanne. Nous avons relevé une trentaine de vignobles alsaciens, possession du chapitre jusqu'à la Révolution. Un des plus importants était celui de Habsheim, entre Mulhouse et Rhin, où chaque année, les chanoines allaient y vendanger et quérir leur vin.
 
En 1772, la récolte valut au chapitre trente chariots de vin, dont vingt-cinq de blanc et cinq de rouge, le tout "d'excellente qualité". En 1781, septante-cinq chars. On surveillait très attentivement et les récoltes et le traitement du vin. Le 3 mars 1777, on trouve le chanoine de Grandvillers à Habsheim "pour la transvasion des vins".
 
Le receveur du chapitre, Ursanne Theubet, nous retrace dans ses comptes et d'une manière précise, la vendange à Habsheim en l'an 1703. Quelques faits sont assez piquants et parfois pleins d'humour.
 
Fouleurs, dîmeurs, charretiers, chanoines et vendangeurs partirent de Saint-Ursanne à Habsheim pour une quinzaine de jours. Et on emporta de quoi se nourrir, entre autres : "... un boeuf gras, 40 livres de beurre, têtes de moines de Bellelay, épices, chandelles pour s'éclairer et voire du tabac". Chaque serviteur reçut un demi- écu de Strasbourg, y compris la cuisinière Barbelée Pavignot, qui tomba malade et dut être ramenée à Saint-Ursanne en voiture privée, ceci pour 15 sols !
 
Les frais de vendanges s'élevèrent en 1703 à 283 livres bâloises. Le vin se vendait alors 6 sols le pot, 3 sols le litre (1 pinte de Saint-Ursanne équivalait à 98 centilitres).
 
Le 29 novembre 1701, un char versa au Crât des Fourches et ce furent 450 litres de vin de perdu ! Le 28 avril 1703, des voleurs "avaient osté un fer de la fenêtre de la cave" du receveur (ancien bâtiment Coop), et pris dans un tonneau 8 tines de vin de l'an 1701 !
 
Que devenait le vin ? Par un très ancien privilège, la récolte était vendue par le chapitre et par les chanoines eux-mêmes, ensuite seulement, les aubergistes pouvaient rouvrir leurs caves et servir leurs clients. Les pauvres de notre ville touchaient leur part appelée "la part à Dieu". En étaient également les bénéficiaires, le curé et son vicaire qui en touchaient 10 tines ; 15 tines allaient pour le directeur du chant et l'organiste, etc.
 
Mais on avait surtout la sagesse d'en mettre 12 tines de réserve pour le travail aux vendanges de l'année suivante.
 
Le 4 juin 1754, un long procès se termine, qui avait pour antagonistes, le magistrat et la commune bourgeoise d'une part et le vénérable chapitre d'autre part. Le bon vin était la cause de ce litige ! Lors de la vente des vins, le receveur du chapitre se permettait de "donner à manger chaud" (dîners et soupers) aux acheteurs et crieurs. Or messires les cabaretiers qui payaient l'angal à la ville (impôt sur les vins) protestent énergiquement. Tout rentra dans l'ordre la même année.
 
Il est certain que des essais de plantation de vignes eurent lieu à notre "côte des vignes". Bien exposée au soleil du midi, entre la route de Saint-Hippolyte et la route de la Croix, elle emprunte son nom à la culture de la vigne, autrefois pratiquée d'après les plus anciennes traditions. Pourquoi a-t-on abandonné? Il se peut que la Révolution y ait mis fin. Quoi qu'il en soit, on accorde en 1779, à plusieurs particuliers, l'autorisation de défricher en ce lieu.
 
Sylvaner, bouqueté et joyeux. Riesling, royal, ferme comme la race de ce pays d'Alsace. Traminer, moelleux aux finesses de fleurs. Gewurtztraminer, si parfumé, mûri sur les coteaux privilégiés. Muscat, imprégné de toutes les saveurs du terroir. Tokay, à saluer comme un vin de pur humanisme, sec, mais souple de saveur délicate et somptueuse.
 
Nectars que nos ancêtres ont bu à pleins hanaps. Amis du vin, dégustateurs, disciples de Bacchus de Saint-Ursanne, haut les verres, nous avons notre chemin des Vignes !

Chemin du Tillot

Un nouveau quartier est né à Saint-Ursanne en 1974, celui du Tillot.
 
Dérivé du latin "tilia", le tilleul a donné son nom au bâtiment de la métairie du Tillot. Ce fief du chapitre appartenait en 1590 au maire François Bassand. En 1630, à son fils François-Bernard. Il passa ensuite entre plusieurs mains. Au châtelain de Saint-Ursanne, Ulrich-Guillaume Brimsy de Herblingen, en 1660, au chanoine de Staal, etc.
 
Le 8 ventôse de l'an IX, s'éteignait en sa ville natale de Porrentruy, le dernier prévôt du chapitre de Saint-Ursanne ; Jean-Jacques Keller avait quatre-vingt-quatre ans. Elu en 1787, il vit, le 28 avril 1792, les révolutionnaires français envahir l'Evêché de Bâle et faire leur entrée à Saint-Ursanne. Napoléon 1er disait, en parlant de révolution : "Dans les révolutions, il y a deux sortes de gens : ceux qui les font et ceux qui en profitent". Notre bonne ville eut tout à y perdre. Tous les biens appartenant au clergé et à la noblesse furent vendus comme "biens nationaux". Un cultivateur de Montvoie acquit notre château du XIIIe siècle pour 488 francs. L'église paroissiale qui avait encore sa tour et ses cloches trouva preneur pour 309 francs. Pré l'Abbé, Tuilerie, demeures des chanoines, chapelles de Lorette et de l'Ermitage, maison curiale et demeure du prévôt, etc., autant de trésors spoliés, autant de gens dépossédés.
 
Une seule maison fut incendiée. Le 9 juin 1792, les fougueux révolutionnaires boutaient le feu à notre métairie du Tillot, propriété du prévôt Keller. Tout le bétail, ainsi que "beaucoup de beaux meubles" furent réduits a néant.
 
En 1793, Jean-Jacques Keller se réfugia à Porrentruy et son départ forcé signifiait la fin d'une institution vieille de près de sept siècles : le chapitre de Saint-Ursanne.
 
Métairie du Tillot! Un chemin au nom si poétique se devait de figurer sur notre plan cadastral.

Rue du 3-Février

Le jeudi 3 février 1977, jour de la Saint-Blaise, Saint-Ursanne avait un air de fête, ceci malgré un froid sec et quelque peu de neige sur les toits. Ce haut-lieu de l'histoire qu'est Saint-Ursanne, avec sa collégiale, avait été choisi par l'Assemblée constituante pour l'acceptation au vote nominal par ses membres de la première Constitution de la République et Canton du Jura.
 
La cérémonie à la fois imposante et solennelle qui se déroula en la collégiale, est unique dans les annales de notre ville. Alors que les drapeaux flottaient dans les rues, deux emblèmes jurassiens avaient été disposés, l'un à l'entrée de notre église, l'autre apposé devant la tribune présidentielle. Devant le chœur, de grandes potiches de fleurs. Les constituants avaient pris place dans la nef et derrière eux, les représentants des 82 communes du futur canton, ainsi qu'un nombreux public. Dans le chœur, les invités : les épouses des constituants ainsi que l'époux de Mme Friedli, la seule constituante, les observateurs, les trois députés au Grand Conseil ainsi que les deux préfets non-constituants.
 
Madame Joséphine Scherrer, notre talentueuse organiste, interpréta quelques beaux morceaux tant à l'ouverture qu'à la clôture de la séance. Après que Monsieur François Lachat, président, eut ouvert les feux, ce furent les discours des chefs des partis politiques : soit démocrate-chrétien, radical-réformiste, chrétien social-indépendant, socialiste et libéral-radical; seule la fraction UDC ne s'était pas exprimée, ce fut le vote. Dans une atmosphère de profonde émotion et de ferveur, les 49 députés qui votaient par appel nominal dirent tous OUI à la Constitution. Seul le président de la Constituante et de l'assemblée, à qui le règlement n'accordait pas le droit de vote, n'a pas pu se prononcer; Monsieur François Lachat l'a regretté. Après un discours de celui-ci, puis de Monsieur Roland Béguelin, premier vice-président de la Constituante, la cérémonie se termine par l'"Hymne des jeunes" de Beethoven, interprété par le chœur des Petits Chanteurs de Porrentruy, sous la direction de M. Deschenaux. Visiblement émus, les participants se retrouvèrent dans l'enceinte du cloître pour l'apéritif servi par d'accortes jeunes filles en costumes jurassiens. M. Charles Moritz, maire et constituant, souhaita la bienvenue aux invités, bienvenue à laquelle le président de la Constituante répondit par des remerciements. Puis, précédés par la Fanfare municipale de Saint-Ursanne, députés et invités se rendirent à la halle de gymnastique où les attendait le banquet officiel.
 
Cette journée historique a été immortalisée en donnant pour nom, rue du 3-Février, à l'artère qui va de l'hôtel de ville à la porte Saint-Jean. Ainsi en a décidé le Conseil communal dans sa séance du 2 juin 1977.
 
On disait familièrement : "On monte ou on descend le Mai !" Cette rue qui n'avait pas de nom méritait qu'un souvenir aussi merveilleux s'y rattache.

Conclusion

Et voilà, bonnes gens de Saint-Ursanne. Vous avez, nous n'en doutons pas, un réel plaisir à parcourir les rues de notre cité, habillées de noms évocateurs, de noms qui feront rêver les générations futures, des noms qui font revivre le passé.
 
Personnellement, nous sommes heureux d'avoir oeuvré à conserver et préserver ces noms si pittoresques. La couleur locale et l'âme de notre bourgade se reflètent en ces dénominations.
 
Puisse la sagesse de nos après-venants nous être fidèle.

En cet automne 1977,
 
Léon MIGY-STUDER.

Sources

Archives communales et paroissiales de Saint-Ursanne. registres, documents,
(Divers   l'Office de l'état parchemins, plans cadastraux.)
Registres de civil de Saint-Ursanne.
Archives de l'Ancien Evêché de Bâle. (Liasses B 288/98 et Criminalia in sortilegiis.)
Archives du Registre foncier, au château de Porrentruy.
Documents et archives privées.


Bibliographie

Gustave Amweg: Les arts dans le Jura bernois et à Bienne, 1941.
Auguste Quiquerez : Histoire des Troubles dans l'Evêché de Bâle,1875.
Correspondance et Photographies du colonel Wernaere, conservateur du Musée de l'Armée à Paris.
J.-R. Suratteau : Le Département du Mont-Terrible sous le régime du Directoire 1795-18OO, 1964.
Mgr Fidèle Chèvre: Histoire de Saint-Ursanne, 1887.
Protocole de l'assemblée annuelle de Pro Jura de 1951.
Acte de réunion du ci-devant évêché de Bâle au canton de Berne, 1815.



Photos de M. Bernard Migy, Saint-Ursanne.
Plans de M. Gilbert Constantin, Saint-Ursanne.
Imprimerie La Bonne Presse, Porrentruy.