"Le Jura" | 125e anniversaire de la Fanfare

Le samedi 25 janvier 1964, dans son numéro 14, en page 3, "Le Jura" publie une article consacré au 125e anniversaire de la Fanfare. 

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Le 125e anniversaire de la
Fanfare municipale de St-Ursanne 

Jules Brunod, président d'honneur 

Fondée en 1638, la Fanfare municipale de Saint-Ursanne, la plus ancienne du district de Porrentruy, commémore aujourd'hui et dimanche son 125e anniversaire. Depuis 125 ans, elle vit la vie de la cité des bords du Doubs, vie que l'on ne conçoit pas sans elle. La société, .elle aussi, a subi et subit encore les assauts de l'adversité, mais, sans relâche, elle a surmonté les obstacles, les heurs et les malheurs, et on la retrouve à chaque circonstance, forte de l'appui de toute la population.
 
M. Léon Migy-Studer, membre d’honneur, ne nous en voudra certainement pas de puiser sans trop de vergogne dans l'historique qu'il vient d'écrire pour ce 125e anniversaire et qui contient mille détails émouvants ou pittoresques.
"On a l’amour des vieilles choses dans notre vallée du Doubs; on aime l'art et c'est tout naturel que l'on soit mélomane", note Léon Migy. 

L'histoire commence donc en 1836. Cette année-là, le 7 septembre, des jeunes gens de Saint-Ursanne souhaitant la formation d'une société de musique instrumentale adressaient une requête à "Messieurs les présidents et membres de l'assemblée de Bourgeoisie de la ville de Saint-Ursanne". Plaidant avec conviction en faveur de l'art musical, ils suppliaient Messieurs les magistrats "de bien vouloir décider, comme ont fait d'autres communes, qu’il sera pris dans la caisse de bourgeoisie les fonds nécessaires pour acheter grande caisse, chapeau chinois, cymbales, ophicléide, trombone et autres instruments de base que l'on ne peut guère jouer isolément, et qui, pour cette raison, personne ne voudrait faire les frais de se procurer."

Jean-Paul Messerli Sous-directeur

La requête fut acceptée. Le 2 décembre, le protocole de l'assemblée communale des bourgeois indiquait : "L'assemblée communale de Saint-Ursanne, réunie en assemblée ordinaire aujourd'hui, 26 décembre 1838, à l'Hôtel de ville, a décidé qu'il serait vendu 200 cordes de bois de la coupe des Rosées pour payer les instruments accordés par elle aux jeunes gens faisant partie de la musique de Saint-Ursanne et que le restant rentrera dans la caisse de la commune".
 
L'affaire était lancée. Suivons le guide, M. Léon Migy :
En 1848, l'exode d'une centaine de personnes pour les pays d'outre-mer a eu bien certainement une influence sur la vie de la société. Bon nombre de musiciens se trouvaient parmi les émigrants. Ce fait a pu être la cause déterminante d‘un relâchement passager de la Fanfare.
 
1870-1871, la guerre franco-allemande. Le départ de plus d'un membre de la Fanfare pour la couverture des frontières, l'angoisse qui étreint les cœurs, l'incertitude du lendemain, sont des causes de ralentissement dans la marche de la société.
 
Mais la paix est à peine signée que notre Jura vit un autre cauchemar, le Kulturkampf : années d'incompréhensions, de luttes, de scissions profondes; atmosphère de haine qu'on réalise difficilement en notre époque et dans notre Clos-du-Doubs, habituellement si paisible. Il y a division dans la population. Il y a division au sein de la Fanfare. Deux sociétés opposées et hostiles, manquant toutes deux des éléments nécessaires à tout progrès, vécurent on se haïssant, et cette division fut le prélude d’une période malheureuse. Heureusement, dès 1878, les difficultés s'aplanissent, et la réconciliation finit par intervenir.
 
L'année 1887 voit l'organisation d'une grande tombola. Un journal local publie le 9 avril 1887 une "Première liste des dons pour la Tombola de la Musique-Fanfare de Saint-Ursanne". On relève dans cette liste environ 200 lots en nature et en argent estimés à Fr. 1312.- par le comité. Résultat vraiment appréciable pour ce temps-là. Quelques dons sont tout à fait curieux et nous étonnent en 1963 : un accordéon, un rouleau de tabac, une paire tiges-bottines, une bouteille Madère 1858, un revolver, une boîte faux-cols, et... oh ! Heureux temps ! Quatre bouteilles d'absinthe.

Henri Scherrer, directeur 

En 1902, la Fanfare dirige la fête d'inauguration de l'usine électrique de Bellefontaine. Cette même année, une autre inauguration, très pittoresque celle- ci, fait accourir les foules à Bel-Oiseau. Voici le fait relaté dans le journal "Saint-Ursanne-Thermal" :
 
"Fête au Bel-Oiseau. — Ainsi que nous l'annoncions dans le premier numéro du "Saint-Ursanne-Thermal", l'excellente Fanfare de Saint-Ursanne a donné un concert l'après-midi du 15 juin (1902) à l'établissement du Bel-Oiseau, où s'était transporté un nombreux public de la ville et des environs. Pendant que, sous la direction de son habile chef, M. Chételat, la Fanfare régalait l'assistance avec les meilleurs morceaux de son répertoire, le présidant M. Paul Raval, organisait derrière l'établissement, sur les bords du ruisseau, des jeux qui ont eu le plus grand succès."

D'une tourmente à l'autre
1914 : C'est le réveil affolé ! C'est la tourmente, c’est la rafale, c'est la guerre, c'est l'effondrement de tous les projets ! C'est le départ pour la frontière des ainés, puis des plus jeunes, c'est le rapatriement des exilés C'est pour la Fanfare, la dispersion membres et l'arrêt forcé de tous travail. Jusqu'en 1915, plus de répétition. On essaie pourtant de recommencer en juillet de cette même année, mais le cœur n'y est pas : tant de soucis et d'inquiétudes absorbent les pauvres hommes. Les cartes de membres honoraires sont distribuées gratuitement pour cette année-là. A la fin de la guerre, la terrible grippe espagnole sème le deuil : la Fanfare n'est pas épargnée.
 
La période 1919 à 1937 est celle des belles réalisations, des succès, des lauriers, des fruits de longues années de travail. En 1919, la Fanfare est admise à la Fédération jurassienne de musique.

Jean Brunod, président

En 1923-1924, l'achat de nouveaux uniformes devient une préoccupation pour la société. Le 21 août 1924, avec le concours des autorités de Saint-Ursanne et l'aide d'amis dévoués, on jette les bases d'une loterie de 5000 billets à 1 franc. Chacun dans sa sphère travaille activement à la réussite de l'entreprise et le tirage peut avoir lieu déjà le 12 octobre. Ce fut une belle journée pour tous, même pour ceux qu'oublia dame Fortune. Les fanfares de Glovelier et Courgenay étaient là. Il y eut cortège avec toutes les sociétés locales, vin d’honneur, concerts, grande kermesse et soirée familière.
 
Et nous voici en 1938, fertile en événements. On relève 78 répétitions. La première Journée musicale du Jura-Nord a lieu le 19 juin à Saint-Ursanne. Organisée de mains de maître sous la présidence de M Xavier Marchand, maire, et de personnes dévouées et compétentes, cette manifestation remporte un vif succès. Douze sociétés sont inscrites au programme.
 
Les 13 et 14 août, dans la ville joliment pavoisée, sous un ciel d'abord maussade puis gaîment éclairci, se déroulent les festivités du Centenaire. Celles-ci débutent déjà le vendredi 12 août par un concert pour les enfants à la Halle de gymnastique. La soirée du samedi prépara les cœurs et les esprits à la grande journée du lendemain. Un concert donné par les sociétés locales, en l'honneur de la Centenaire, fut très réussi. 

Marche ascendante
Vient la guerre, avec les années-de deuil. Une fois le cauchemar dissipé, la Fanfare reprend courageusement sa marche. Le 14 juillet 1946, les musiciens sont à Saint-Hippolyte, ville sœur de Saint-Ursanne. Laissons parler un participant : "Un membre de la Fanfare nous conduit en camion jusqu’à la frontière ou nous sommes salués par M. Léon Springer, maire de Saint-Hippolyte. On traverse Bremoncourt en musique et à Vaufrey déjà, le verre de l'amitié est offert. Aux cris de "Vive la Suisse !" on entre à Saint-Hippolyte. Le Conseil communal de Saint-Ursanne, maire en tête, reçoit des fleurs. Puis c'est la cérémonie au Monument aux morts, la réception à la mairie et le repas de midi et du soir chez l'habitant. L’après-midi, grand cortège et concert sur la place, le soir, réjouissances. Accueil émouvant et délirant d'un peuple, d'une nation qui a souffert et qui semble, en nous recevant, remercier la Suisse tout entière. Nous gardons un souvenir inoubliable de ce 14 juillet 1946."

Aurelio Canale, vice-président

La Fanfare connaît en 1949 une intense activité. Jugeons-en : Inauguration de nouveaux uniformes, organisation du 27e Festival de la Vallée de la Sorne et d'une grande kermesse et, en plus, toutes les manifestations locales.
 
Les uniformes inaugurés en 1924 sont pour la plupart usés, voire même inutilisables, aussi dès le printemps 1948 un comité de soutien est à l'œuvre en vue d'en doter la société de nouveaux.
 
En 1952, le 2e Congrès suisse des Chevaliers de l'Ordre équestre du Saint-Sépulcre de Jérusalem a lieu à Saint-Ursanne. Des cérémonies fastueuses, rehaussées par la présence de Mgr Maillet et les Petits Chanteurs à la Croix de Bois ainsi que la Fanfare, se déroulent tant en la Collégiale que dans les rues de l'antique Cité médiévale. De hautes personnalités religieuses et civiles y prennent part et il faut remonter loin dans l'histoire de la ville pour trouver une manifestation religieuse aussi revêtue.
 
En 1957, la Fanfare participe à une Fête fédérale de musique, celle de Zurich. Elle en revient couronnée de lauriers.
 
D'année en année, la Fanfare progresse. Et la voici en 1963, forte de ses 36 membres et plus enthousiaste.que jamais. Déjà, elle s'achemine vers le 150e anniversaire. Souhaitons-lui bonne route !

Fanfare Municipale Saint-Ursanne — 1.12.1963

Présidents
1888      Auguste Vallat
1889      Paul Raval
1907      Paul Bouvier
1908      Camille Maillard
1913      Paul Donzé
1915      Jules Brunod
1919      Hubert Moser
1920      Paul Donzé
1921      Jules Brunod
1921      Charles Domon
1922      Paul Donzé
1929      Jules Brunod
1947      Georges Cramatte
1955      Jean Brunod

Directeurs
1838      Piqueré
1856      Feusier
1867      Albert Feune
1872      Joseph Girardin
1979      Jules Guerry
1882      Gilbert Feune
1899      Albert Chételat
1916      Marcel Aubertot
1917      Ali Gogniat
1921      Henri Scherrer
1930      Charles Chapuis
1933      Henri Scherrer